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Inspiré par le passé tragique de son pays d’origine, le cinéaste belgo-guatémaltèque Cesar Diaz (Nuestras madres) réussit un thriller haletant et intimiste qui portraitise sensiblement une femme déchirée entre ses engagements familiaux et politiques
1986. Maria, militante révolutionnaire guatémaltèque, est depuis des années exilée à Mexico, où elle poursuit son action politique. Alors que son fils de 10 ans vient vivre avec elle, elle devra faire un choix cornélien entre son rôle de mère ou celui d’activiste…
En 2019, le jeune cinéaste Cesar Diaz fait sensation au Festival de Cannes et y remporte la Caméra d’or (meilleur premier film) avec une fiction nourrie du documentaire, Nuestras madres revenant sur la guerre civile qui frappe le Guatemala dès 1960 et durant plus de trente ans.
Pour ce second long métrage, Cesar Diaz poursuit un travail de mémoire cohérent et essentiel à l’heure où tirer les leçons du passé est indispensable pour comprendre le présent et appréhender le futur. Le cinéaste pose à nouveau les bases de son intrigue au cœur de la guerre civile qui ravagea son pays d’origine et repart de la figure de la femme-mère comme moteur de son récit.
En artiste qui recherche le défi afin de progresser (et l’on sait que ce n’est jamais évident après un premier film autant plébiscité), Cesar Diaz recourt à une tout autre couleur cinématographique pour Mexico 86. Il donne plus de poids encore à l’écriture fictionnelle et développe ses thèmes dans le genre du thriller politique réaliste, dans son versant le plus accessible et, d’une certaine façon, divertissant. On pense à ces films américains engagés et dénonciateurs des années 1970 qui, sans renier leurs ambitions formelles, parlaient au plus grand nombre de sujets politiques sensibles. Ce genre historique et connoté, le cinéaste l'explore sous l’angle intimiste et familial, ce qui n’est pas si courant.
Il réussit un film qui fait aussi l’éloge du groupe et de la solidarité, qui magnifie l’organisation pointilleuse et inventive de la résistance, ayant notamment une manière passionnante de décrire ses actions dans le détail.
Mexico 86 est traversé d’une violence sourde et omniprésente, mais toujours guidé par un souci de sobriété et d’humanité car, aussi importante soit-elle, jamais l’intrigue ne prendra le pas sur les personnages, tous parfaitement construits. Jamais l’auteur ne fera non plus de concession au réel pour plus d’efficacité, ce qui distingue encore ici ce film habité par une morale et une rigueur formelle de n’importe quel drame conventionnel. Tendue, l’intrigue ne s’autorise aucun détour, à l’image de la foulée énergique et déterminée de son héroïne caméléon (excellente Bérénice Bejo), obligée de changer de look en permanence pour survivre. C’est dans un cadre modeste, presque un huis clos, dans de petites pièces, que Cesar Diaz raconte son histoire et restitue, avec pudeur, ces relations fragiles vécues dans la tension. L’amour et la tendresse pour l’autre s’y conjuguent clandestinement, à l’ombre de la tragédie. De ces instants surgiront des questionnements plus existentiels encore : comment construire une relation avec un fils que l’on n’a pas vu grandir ? Comment concilier engagements familiaux et politiques, en pleine dictature ?
Film d’amour politique qui porte haut les valeurs humaines les plus nobles, fiction engagée aux résonnances universelles, Mexico 86 bouleverse d’autant plus qu’il colle aux remous du monde d’aujourd’hui en nous racontant ceux du passé. C’est un film sur l’urgence.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
