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Carine Tardieu (Les Jeunes Amants, Ôtez-moi d’un doute) a un don pour filmer les relations humaines sous leur plus beau jour. Elle signe ici une chronique où s’entrelacent les destinées de personnages attachants, meurtris par la vie mais aussi pleins d’amour. Un film dont la tendresse nous enveloppe du début à la fin et nous fait un bien fou
Sandra (Valeria Bruni-Tedeschi), une libraire quinquagénaire, est la voisine de palier d’Alex (Pio Marmaï), Cécile et Eliot, leur fils. Indépendante et discrète, elle mène son existence de célibataire comme elle l’entend, bien loin de la vie de famille de ses voisins. Un matin, Cécile lui confie Eliot avant de filer à la maternité : le deuxième bébé arrive un peu plus tôt que prévu. Le couple part dans l’urgence, mais serein. Malheureusement, l’accouchement se passe mal, et quand Alex vient retrouver le garçonnet, c’est pour lui annoncer la naissance de sa petite sœur en même temps que le décès de sa maman. Ce drame propulse Sandra dans la vie d’Alex, Eliot et la petite Lucille...
Rien ne la préparait à jouer les nounous. Libre, Sandra n’a jamais voulu rendre de comptes à qui que ce soit et certainement pas à une éventuelle famille. À la tête d’une librairie spécialisée dans la littérature féministe, elle n’a pas le temps de s’occuper d’un enfant, aussi mignon et intelligent soit-il, car Eliot est un petit gars adorable, plein d’énergie, de ressources et de répartie. Avec ses mots de gamin et sa jolie naïveté, il pose des questions directes, obligeant les adultes à affronter une réalité qu’ils voudraient souvent lui cacher. Sandra ne peut ignorer le drame que vit Alex. Alors, jour après jour, elle entre dans la vie du père et des enfants, sans jamais s’imposer, sans jamais juger. Elle est là simplement, prête à aider si on lui demande, un peu comme une sentinelle qui veille au bonheur de cette famille orpheline.
Carine Tardieu aime ses personnages. Elle les fait évoluer au fil des mois, découpant sa chronique en petits chapitres qui montrent les vingt-quatre premiers mois de la vie de Lucille (et donc également le deuil d’Alex et Eliot). Au fil du temps qui passe, des liens qui se nouent, de la vie familiale qui reprend, Sandra apparait comme une sorte de pilier central dans la vie d’Alex, mais davantage encore dans celle d’Eliot.
L’Attachement n’est pas un film sur la mort ou même sur le deuil ; c’est un véritable hymne à la vie, à l’amour. Au centre du film, Valeria Bruni-Tedeschi rayonne dans un rôle tout en douceur et en retenue. On est loin des personnages féminins survoltés qu’elle a l’habitude de jouer. Avec son look d’intello, une cigarette continuellement à la main, elle incarne une sorte de sagesse un peu désabusée mais qui lui va bien. Confrontée à des situations souvent inattendues, elle se réfugie dans l’humour, jouant les guignols devant les enfants, bottant en touche quand on s’approche trop de sa sphère privée. Sandra est une sorte de tante excentrique, stable et marginale à la fois. En face d’elle, Pio Marmaï est impeccable dans le rôle de ce jeune veuf déboussolé, débordant d’amour pour ses enfants, craignant toujours le pire, fuyant souvent le meilleur. Enfin, il y a Raphaël Quenard, dans un rôle certes secondaire, mais qui amène une touche de fraîcheur bienvenue dans ce drame familial. L’Attachement est un vrai coup de cœur de cette fin d’hiver. Le film nous touche profondément, autant par les thèmes qu’il aborde que par le jeu des acteurs et la qualité de son écriture. Pas d’effets de manche, pas de dramaturgie excessive. Carine Tardieu raconte le parcours de gens ordinaires, confrontés à la mort, à la naissance, à l’amour. La vie, quoi !
LAURENCE HOTTART, les Grignoux
