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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignouxet consacré au film
Vivre au paradis
de Bourlem Guerdjou
France, 1998, 1h45

Ce dossier s'adresse aux enseignants qui verront le film avec leurs élèves. Les animations qui y sont décrites doivent avoir lieu rapidement après la vision du film alors que les souvenirs sont encore vifs dans les esprits et sont destinées à des élèves âgés entre quatorze et dix-huit ans environ.

Mettre en évidence les choix du réalisateur

Bourlem Guerdjou, le réalisateur de Vivre au Paradis, traite de façon très personnelle le sujet de son film. Il aurait pu prendre parti, beaucoup plus qu'il ne le fait, en donnant par exemple à Lakhdar (interprété par Roschdy Zem) le rôle de militant du FLN. Il a choisi de parler de la guerre d'Algérie autrement qu'en se plaçant dans un camp ou dans un autre, mais en montrant une communauté d'exilés, en mettant en scène un homme qui se bat pour faire survivre sa famille et n'hésite pas à le faire aux dépens de ses frères algériens, loin de toutes notions de solidarité ou de patriotisme.

Cette activité propose de mettre en évidence certains choix du réalisateur. Sous la forme d'une discussion libre, on évoquera le titre du film puis on s'attardera sur la construction même de Vivre au Paradis.

Objectif

  • Mettre en évidence certains choix du réalisateur

Méthode

  • Travailler sur le titre du film
  • Relever les contrastes présents dans le film

Déroulement

Cette animation prendra la forme d'une discussion libre avec l'ensemble de la classe. Dans un premier temps, le professeur proposera aux élèves de réfléchir sur le titre du film Vivre au Paradis, les invitant à en donner oralement une interprétation justifiée et concise (cinq ou six lignes maximum). L'enseignant pourrait engager la discussion en commençant lui-même l'exercice. S'adressant à la classe, il dira par exemple: «Moi, le titre de ce film, Vivre au Paradis, ça me fait penser à Et vous, ça vous fait penser à quoi?» On notera au tableau les diverses interprétations.

Dans un deuxième temps, toujours sous la forme d'une discussion libre, on demandera à l'ensemble de la classe de relever des éléments du film mis en contraste les uns avec les autres de manière à donner une vision contradictoire (ou simplement multiple) de la réalité.

On pourrait introduire le sujet de cette façon: «Le film Vivre au Paradis peut nous laisser perplexes. À la fin tout le monde semble perdant: les Français ont perdu la guerre, Lakhdar et sa famille n'ont plus de quoi se loger et la victoire des Algériens qui ont conquis leur indépendance est rendue amère par cette phrase qui s'inscrit à l'écran et nous fait observer que l'Algérie n'a pas voulu de ces exilés... Le réalisateur choisit de nous montrer la réalité telle quelle, à l'état brut (la face de la médaille et son revers en quelque sorte) plutôt qu'une vision tronquée, édulcorée d'un fait historique. Le film, tant dans sa forme que dans son fond, s'appuie à diverses reprises sur cette notion du contraste, cette façon de montrer une chose et son contraire, pour mettre en relief chacun des éléments. Pouvez-vous en trouver des exemples dans Vivre au Paradis

Ensuite, reprenons rapidement les diverses interprétations du titre notées au tableau et observons lesquelles d'entre elles rejoignent ou s'éloignent de la précédente discussion, autrement dit lesquelles présentent également un contraste.

COMMENTAIRE

À titre d'exemple, voici une interprétation générale pour l'ensemble de l'exercice.

Vivre au Paradis est un film construit sur des contrastes et le titre en est un très bon exemple. Reprenons deux définitions du mot «paradis». 1° Lieu où les âmes des justes jouissent de la béatitude éternelle. 2° Etat ou lieu de bonheur parfait, séjour enchanteur. En ce qui concerne la première définition et sans jouer sur les mots, on peut estimer que vivre au paradis se révèle impossible (il faut être mort avoir quitté son enveloppe charnelle pour que notre âme puisse y accéder). On peut donc énoncer qu'au sens propre, le titre du film est en soi contradictoire. Si l'on prend maintenant la deuxième définition, le sens figuré, on remarque sans peine qu'elle signifie l'extrême opposé de ce qui est montré dans le film (lieu de bonheur parfait, séjour enchanteur...).

Nous livrons maintenant d'autres éléments mis en opposition par Bourlem Guerdjou, qui pourront être soumis à la réflexion des jeunes spectateurs:

  • Lumière/Obscurité : la première image du film est la flamme d'une allumette qui éclaire un visage plongé jusque là dans l'obscurité; éclatante est la lumière de l'oasis dans le sud algérien; le sable qui se déverse de la chaussure de l'enfant est comme un éclair dans l'obscurité du baraquement.
  • Femmes/Hommes : les femmes donnent l'impression de refuser le destin là où les hommes le subissent, d'empoigner leur vie de misère là où ils laissent tomber les bras, résignés. Le personnage d'Aïcha, membre actif du FLN est très parlant à ce sujet:elle encourage Nora, la femme de Lakhdar, à militer; elle tient tête à Lakhdar, réclame l'argent de la cotisation pour le FLN; elle s'adresse à la foule du bidonville pour les inciter à participer à la manifestation contre le couvre-feu... Le personnage de Nora illustre également ce point de vue, elle tient tête à Lakhdar d'une manière de plus en plus prononcée jusqu'à se rendre au mariage sans lui, accompagnée seulement de ses enfants.
    Les hommes quant à eux semblent souffrir du paradoxe dans lequel ils se trouvent:travailler dans un pays contre lequel ils se battent pour s'en libérer. Bourlem Guerdjou résume bien la situation quand il déclare dans une interview, comparant ses parents aux personnages de Lakhdar et Nora:«Mon père avait l'autorité, mais tout passait par ma mère. Elle n'a pas porté de bombes, ou qui sait, peut-être autrefois, en Algérie, mais c'est tout à fait le genre à les avoir cachées sous sa robe ! Ce qui rapproche ma mère de Nora, c'est cette conscience politique».
  • Collectivité/Individualité : nous y reviendrons par la suite [cette discussion n'est pas reprise sur cette page web et n'est disponible que dans le dossier imprimé] mais l'entêtement de Lakhdar à poursuivre un but personnel (trouver un appartement) bute sans cesse contre le dévouement politique (pour la cause et son pays) et social (intégration dans le bidonville) de Nora.
  • Sexualité/Solitude : une image forte du film est celle de ces hommes qui attendent leur tour chez la prostituée («C'est offert» dira l'ami de Lakhdar à celui-ci...). Comment mieux montrer l'état de manque affectif dans lequel se trouvent ces hommes séparés de leur femme ? On pourrait presque parler d'une solitude de groupe... À ce moment Lakhdar quitte les rangs et décide de faire venir sa famille en France. Après des tentatives maladroites repoussées par sa femme Nora, il devra pour la reconquérir transformer son besoin sexuel en désir d'amour (la scène où Lakhdar se mutile la main pour pouvoir partager un moment d'intimité avec Nora en est une belle illustration).
  • Bidonville/Appartement : le contraste est frappant entre l'entêtement de Lakhdar pour trouver un appartement et la vie dans le bidonville. Ce qui est surtout marquant, c'est de voir comment les gens du bidonville gardent leur tradition et leur culture pour ne pas perdre leur identité alors que Lakhdar, s'accrochant à son rêve de trouver un appartement, s'enfonce de plus en plus dans la solitude jusqu'à cette scène finale où il se retrouve, seul, derrière les grilles du bidonville, tandis que ses frères et ses surs fêtent l'indépendance de l'Algérie, et que son ami vienne le chercher pour le «réintégrer» au groupe.
  • Algérie/France : la guerre d'Algérie est évidemment présente tout au long du film et les affrontements montrés par des séquences précises (retour des hommes amochés le lendemain d'une rafle par la police; affrontement du 17 Octobre 1961; destruction du baraquement; réclamation de la cotisation FLN, etc.)

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