Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux
et consacré à
Pinocchio
un film de Matteo Garrone
Italie, 2020, 2h05
Ce dossier pédagogique consacré à Pinocchio de Matteo Garrone s'adresse aux institutrices et instituteurs ainsi qu'aux animatrices ou animateurs qui verront ce film avec des enfants entre 9 et 12 ans environ. Il propose quelques pistes d'animations qui permettront d'aborder en classe, de manière adaptée, les différentes aspects du film comme l'histoire racontée, les personnages mis en scène, la leçon du film ou encore son esthétique.
L'extrait ci-dessous porte sur le sens du film et en particulier la « leçon » dont il est porteur.
À travers les aventures de Pinocchio, Carlo Collodi et les nombreux adaptateurs de son histoire développent les valeurs de l’Italie rurale de la fin du 19e siècle — école, famille, travail… —, un pays tout récemment unifié qui tente de construire son identité nationale, notamment à travers la scolarisation du plus grand nombre. Simple marionnette ignorante du monde qui l’entoure, Pinocchio va devoir apprendre à différencier le bien du mal et à surmonter les tentations afin acquérir la conscience morale nécessaire pour devenir un véritable petit garçon. Le film prend dès lors l’allure d’un parcours initiatique au fil duquel le pantin construit son identité humaine par un difficile apprentissage des valeurs mais aussi et surtout par l’expérience.
C’est cet aspect du film que nous proposons d’aborder avec les enfants dans l’animation développée ci-dessous.
Débutons l’activité en grand groupe en demandant aux enfants ce que c’est, une marionnette. L’objectif est ici de faire émerger le sens figuré du terme: une marionnette est un pantin articulé qui peut-être fabriqué dans différentes matières (bois, tissu…) et qu’on anime à l’aide de ficelles, mais on qualifie aussi de marionnette, c’est-à-dire une personne influençable, que l’on peut manipuler très facilement pour obtenir ce que l’on veut d’elle.
Répartissons ensuite les enfants en petits groupes et distribuons-leur le schéma reproduit ci-dessous et qui aura été élaboré au cours de l'animation précédente (présentée dans le le dossier pédagogique imprimé). Ce schéma représente visuellement les différents épisodes du film ainsi que les différents personnages rencontrés. Les personnages au bas de ce schéma sont évidemment ceux qui cherchent à influencer Pinocchio dans un sens ou dans l’autre.
Cliquez sur l'image pour en obtenir une version pdf.
Amenons les enfants à tirer quelques observations simples de ce schéma à l’aide des questions suivantes:
En tant que marionnette, Pinocchio est un pantin de bois mais c’est aussi un être vivant extrêmement manipulable. Il «naît» alors qu’il se comporte déjà comme un enfant qui parle, qui marche et qui est en âge de fréquenter l’école primaire. Ce statut fait qu’il n’a pas d’histoire personnelle et qu’il n’a donc pas pu recevoir d’éducation. Il ne sait rien du monde qui l’entoure ni de la nature humaine pas plus qu’il n’a de notion de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas. Ses premiers pas dans la vie sont donc ceux d’un être naïf, inconscient, vulnérable et soumis à toutes sortes d’influences. Et tout naturellement, lorsque deux voies se présentent à lui, il choisit spontanément la plus séduisante, cela sans aucune conscience des risques qu’il encourt.
Le schéma donné en début d’animation permet de mettre en évidence cet écartèlement de Pinocchio entre le bien, incarné par le Grillon Parleur et la Fée, et le mal, représenté par le couple Chat & Renard et Lucignolo. Émerge ainsi de ce parcours la difficulté pour un enfant de se construire une identité, entre mauvaises influences et bon conseils, entre les tentations d’une vie facile faite de plaisirs et les contraintes de la vie en société. L’évolution de Pinocchio a donc tout d’un parcours initiatique au terme duquel le pantin va acquérir une conscience morale, qualité nécessaire pour accéder à la condition humaine.
Une autre observation peut encore être dégagée à partir du schéma. Chacune des mésaventures du pantin est précédée d’une mise en garde du Grillon Parleur ou de la Fée, mises en garde auxquelles il ne prête aucune attention. Il tombe dans tous les pièges et c’est finalement bien plus l’expérience que l’obéissance qui va lui apprendre le sens des valeurs et le mener progressivement sur le chemin de l’humanité: vol, pendaison, métamorphose en âne…, autant de revers dramatiques aux allures de punitions qui l’aident à mieux comprendre où se trouve son véritable intérêt.
À la fin du film, Pinocchio a compris les intentions malveillantes du Chat et du Renard, qui lui ont menti et ont cherché à le tuer pour le dépouiller, et il évite clairement leur piège. Pas d’intention malveillante par contre dans l’attitude de Lucignolo qui est, comme lui, un enfant enclin à céder aux tentations d’une vie de plaisirs, et qui sera de la même manière transformé en âne par le cocher du Pays des 1000 jouets. Si Pinocchio, protégé par la Fée, a la bonheur d’échapper à son triste sort, Lucignolo, en revanche, n’aura pas cette chance. Dans l’édition originale de Collodi, c’est lui qui fait tourner inlassablement la noria avant que le fermier ne confie cette tâche au pantin, qui reconnaît son camarade de fortune, désormais moribond. Cette vision effroyable et la tristesse qu’il en éprouve le confortent évidemment dans le choix qu’il a fait de se comporter en bon petit garçon.
Enfin, si le film défend le respect des institutions — famille, école, travail… — , il dépeint par ailleurs un monde adulte loin d’être exemplaire: le marchand récupère pour quatre sous l’abécédaire troqué la veille contre le manteau et le gilet de Geppetto; Mangefeu, le directeur du Théâtre de marionnettes, n’hésite pas à enlever Pinocchio puis menace de le jeter dans les flammes pour alimenter son feu; les médecins se disputent, incompétents et incapables de se mettre d’accord sur un diagnostic à propos du mal dont il souffre; le juge veut l’emprisonner en raison de son innocence; le maître d’école frappe les enfants; le cocher les appâte pour les transformer en ânes et les vendre au marché comme main d’œuvre, le directeur du cirque tente de le noyer pour récupérer et vendre sa peau d’âne à bon prix; et enfin, le fermier lui confie une lourde tâche pour un seau de lait (avant, toutefois, de lui donner une tâche moins ingrate et de lui verser pour cela un petit salaire journalier).
On peut donc déceler aussi dans Pinocchio une certaine critique de la société de l’époque (châtiments corporels, exploitation des enfants par le travail…), qui exige des enfants un comportement irréprochable — sagesse, respect des adultes et en particulier des parents, obéissance, honnêteté… — sans pour autant leur donner les repères nécessaires pour y arriver, bien au contraire puisque les adultes sont eux-mêmes menteurs, manipulateurs, exploiteurs, violents, roublards, injustes… Mais c’est sans doute aussi une des leçons du film les adultes sont loin d’être exemplaires, et il convient d’agir à leur égard avec prudence sans croire notamment toutes leurs promesses!
Dans le film de Matteo Garrone comme dans l’œuvre originale de Carlo Collodi, Pinocchio se fait manipuler par des êtres malveillants qui profitent de sa naïveté pour le dépouiller, ceci en dépit des mises en garde du Grillon Parleur puis de la Fée.
De nos jours, pour les enfants, les risques de se faire abuser par des adultes malintentionnés se sont divers — pensons entre autres aux mauvaises rencontres qu’ils peuvent faire sur internet avec des individus dissimulés sous de faux profils… — et les recommandations de vigilance dispensées par les proches ou les enseignants ne sont pas toujours prises au sérieux, même si un grand nombre d’arnaques plus ou moins graves sont régulièrement rapportées dans les médias.
Une manière de prolonger l’activité pourrait être de demander aux enfants d’actualiser le propos du film en grand groupe, en identifiant quelques situations auxquelles ils seraient susceptibles d’être un jour confrontés dans leur vie quotidienne. L’enseignant pourra éventuellement alimenter la discussion avec des questions comme: