Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré à
L'Extraordinaire Voyage de Marona
un dessin animé d'Anca Damian
Roumanie, France, Belgique, 2020, 1h32
Ce dossier pédagogique consacré au dessin animé L'Extraordinaire Voyage de Marona d'Anca Damian se destine aux enseignants du primaire qui verront le film avec leur classe, et il propose d'explorer quelques pistes: le graphisme, naturellement, qui est foisonnant et qui surprendra certainement les spectateurs; la question du bonheur et du sens de la vie; les points de vue des différents personnages, etc.
Le film adopte le point de vue de Marona. Avec les jeunes spectateurs, il est intéressant de définir ce point de vue, d'en dégager les enjeux et aussi de décrire les moyens qui permettent de traduire ce point de vue.
Dans un premier temps, posons les questions suivantes aux enfants:
C'est Marona qui raconte son histoire.
On le sait parce qu'on entend sa voix intérieure. Elle dit au début du film : « Si personne n'a de meilleure idée, je prendrais bien un moment pour rembobiner le film de ma vie. J'ai entendu dire que c'est ce qu'on fait quand on meurt, on revoit le film de sa vie. » À partir de ce moment-là, on sait que la voix qu'on entend, c'est celle de Marona. C'est sa voix intérieure.
Le fait que ce soit elle qui raconte sa vie permet de connaître toute son histoire, du début à la fin. Les autres personnages du film ne connaissent qu'une partie de sa vie. Ensuite, en plus des événements qu'elle raconte, elle dit ce qu'elle ressent et ce qu'elle « pense ».
Si c'était un autre personnage qui racontait l'histoire, on ne saurait pas ce que Marona ressent et pense. (Il arrive que les histoires soient racontées par un narrateur, quelqu'un d'extérieur à l'histoire mais qui peut tout savoir des personnages, par exemple parce que c'est lui qui les a inventés !)
Dans un deuxième temps, voyons ce qu'il y a de spécial à voir le monde tel que Marona le voit, à percevoir ce que Marona perçoit.
Demandons aux enfants de citer les moments du film où ils ont été surpris ou amusés par le point de vue de Marona, les moments où ils ont pensé : « ça, c'est le point de vue d'un chien, pas d'un humain ».
Par exemple, on pourrait citer :
On pourrait dire que trois dimensions se dégagent :
On peut développer chacun de ces thèmes, selon le désir ou l'intérêt manifesté par les participants.
Marona parle beaucoup du bonheur.
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Marona évoque le bonheur de différentes manières. C'est d'abord dans son enfance, le goût du lait, « le contact d'une langue chaude et humide qui me lave de tous mes problèmes ». Ensuite, le bonheur avec Manole, c'est d'avoir un nom à soi, un abri, un humain. Avec Istvan aussi, le bonheur consiste à avoir un abri, de la nourriture, de l'eau et un travail ou une mission. Avec Solange, il y a « des moments parfaits », qui valent le coup de mener une vie de chien.
Avec Manole, elle comprend que les humains veulent toujours autre chose que ce qu'ils ont. Les humains, contrairement aux chiens, ne savent pas (aussi bien) profiter des petits bonheurs. Ils rêvent d'autre chose et ils ne sont pas heureux. Istvan, lui, sait parfois apprécier les petits bonheurs, comme jouer à la balle au parc ou manger des crêpes avec sa mère…
Ainsi, pour Marona, le bonheur prend la forme de sensations (une odeur, une caresse…), mais c'est aussi simplement le fait que ses besoins soient satisfaits (avoir un abri, de la nourriture… ) et aussi recevoir de l'amour (amour de sa mère et de ses frères et sœurs et amour des humains qui vont l'adopter successivement). De cette manière, Marona va remplir sa « boîte à bonheurs » de moments intenses, qu'elle gardera comme de précieux souvenirs. Ce n'est pas vraiment une boîte, mais plutôt une collection de bons souvenirs.
Tout au long du film, Marona fait passer un message : le bonheur, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel qui arrivera (peut-être !) un jour, mais bien tous les petits plaisirs qu'on a au quotidien. Plaisir des sens, plaisir d'être avec ceux qu'on aime, plaisir d'être en sécurité et en bonne santé…
Les enfants peuvent, eux, avoir une vraie boîte à bonheurs : une boîte qu'ils ont choisie ou décorée et qui contient des petits objets qui correspondent à des moments de bonheurs… Les enfants qui le souhaitent peuvent évoquer un petit bonheur personnel et l'objet qui le représente.
Marona perçoit le monde avec ses cinq sens, comme nous.
Rappelons les cinq sens avec les participants, en leur demandant de citer des exemples concernant Marona.
Demandons ensuite si cette perception du monde est tout à fait la même que la nôtre. Si non, pourquoi ? Qu'est-ce qui change ?
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Marona voit ce qu'il y a autour d'elle : les immeubles, les enseignes lumineuses de la ville, les humains, les images dans les livres… etc.
Marona entend les bruits du chantier, la voix des humains, le bruit des voitures, etc.
Marona sent le contact de la langue de sa mère, les caresses des humains, etc.
Marona goûte le lait maternel, la viande qu'Istvan lui donne à manger, etc.
Marona sent l'odeur des humains…
Pour Marona, l'odorat semble avoir plus d'importance que pour nous, les humains. Par exemple, elle dit « j'ai tout de suite aimé l'odeur de mon humain ». Puis, alors qu'elle se promène avec Solange, elle retrouve l'odeur de Manole : elle sait qu'il est là, près d'elle.
Son attachement aux humains passe autant par l'odorat que par les autres sens.
Mais Marona semble avoir aussi un sixième sens : elle sent que le grand-père va mourir, elle sent quand elle va être abandonnée, elle sent « l'odeur du malheur », elle sent quand une personne n'aime pas les chiens. On peut peut-être parler d'instinct à propos de ce sixième sens…
Ce sixième sens n'est pas associé à un organe, comme les yeux, les oreilles, la peau… aussi, pour nous, les humains, c'est quelque chose d'un peu inexplicable… même s'il nous arrive parfois à nous aussi de « sentir » des choses… On parle plutôt alors d'intuition.
On pourrait dire aussi que les « bizarreries » esthétiques du film correspondent au regard de Marona sur le monde. On pourrait penser qu'elle ne voit pas les choses de la même manière que nous, les humains, et que cela pourrait être la raison des choses qui sont graphiquement étranges…
Par exemple, le costume de Manole est ligné, mais quand il bouge, les lignes semblent avoir un temps de retard ! Comme si c'étaient des rubans attachés à son costume et qui volaient autour de lui. C'est peut-être le regard de Marona qui produit cet effet, comme un effet d'optique qui serait accentué.
Il y a d'autres étrangetés dans le film : par exemple, le directeur du cirque est invisible ! On voit son costume, ses chaussures, son chapeau et son cigare, mais pas l'homme. Peut-être que c'est la vision de Marona, qui ne voit pas l'humanité de ce personnage, comme s'il était transparent pour elle, comme si ses intentions étaient illisibles…
Quand Marona dit qu'elle aime emmener Istvan au parc et qu'ils prennent une balle parce qu'il aime lancer la balle… nous trouvons cela drôle. On peut aussi trouver surprenant que Marona dise « mon humain »…
Comment pourrait-on expliquer ce décalage entre notre interprétation des relations entre chien et être humain et celle de Marona ?
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[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.]