Extrait dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
Green Book
de Peter Farrelly
États-Unis, 2018, 2h10
Ce dossier pédagogique consacré à Green Book s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront ce film avec leurs élèves (à partir de treize ans environ). Il propose deux grandes animations à mettre en œuvre en classe rapidement après la projection.
Il s'agira dans un premier temps de revenir sur le contexte historique très particulier où s'inscrit ce film, à savoir la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis qui a perduré jusque dans les années 1960. Dans un second temps, on proposera une réflexion sur les stéréotypes et les préjugés raciaux et ethniques que le film dénonce mais sur lesquels il joue également pour une part de manière ironique. L'extrait ci-dessous est repris de cette seconde partie du dossier pédagogique.
Le film de Peter Farrelly, coécrit et coproduit avec le fils de Tony Lip, Nick Vallelonga, relate le cheminement d'un homme blanc à travers les affres du racisme aux États-Unis. Tony Lip, videur italo-américain du club Copacabana devenu chauffeur pour le pianiste afro-américain Don Shirley, va découvrir les réalités de la ségrégation au fur et à mesure de ses aventures au sein des États du Sud.
Des préjugés, Tony en a énormément. Il est lui-même l'incarnation du stéréotype de l'Italien. Mais toutes ces idées préconçues ne fonctionnent pas forcément de la même manière, et on peut notamment s'en apercevoir dans Green Book. Rapidement, l'impression est qu'il existe une sorte de hiérarchie entre elles. Le film, tiré d'une histoire vraie, nous donne, en effet, une image claire de ce que peut devenir le stéréotype lorsqu'il est poussé à son comble, la discrimination.
La question des stéréotypes liés à la race et à l'ethnicité se trouve donc au cœur du propos du film. Ceux-ci sont un bon préambule pour entreprendre une analyse du film qui soit la plus pertinente possible. Pour ce faire, il semble judicieux de commencer par une réflexion autour de la notion de stéréotype.
En guise d'exercice introductif, demandons aux participants et participantes de donner leur propre définition de ce qu'est un stéréotype, exemples à l'appui.
Définition et exemplesLe stéréotype est généralement défini comme une simplification de la réalité perçue ou inculquée sur des groupes sociaux, ethniques ou nationaux. On peut citer divers exemples, notamment, concernant :
Toutes ces idées reçues sont fondées sur quelques traits présumés représentatifs d'un groupe. Ils sont des outils pratiques pour se représenter le monde et plus précisément, pour se représenter de manière simplifiée un groupe social différent du nôtre. Ainsi, une personne et la communauté à laquelle elle appartient se confondent. Si cette personne agit de manière conforme aux clichés répandus sur le groupe social, elle renforce la règle énoncée. À titre d'exemple, lorsqu'Usain Bolt remporte une nième médaille aux Jeux Olympiques, cela renforce le stéréotype du Noir doué en sport. A contrario, si une personne de couleur se révèle dépourvue de talent dans ce domaine, cela n'aidera pas à contrecarrer la «règle» établie; elle sera seulement considérée comme étant l'une de ses exceptions. Ces clichés ou stéréotypes font partie intégrante de notre héritage culturel et s'acquièrent depuis l'enfance, se renforçant souvent au fil de l'existence. C'est à la fois un héritage de notre milieu social et culturel et le fruit de nos propres expériences de vie. Les idées reçues peuvent être considérées (relativement) vraies ou fausses, comme discriminantes envers une communauté ou non. Le cliché «les Noirs sont doués en sport» est perçu comme positif puisqu'il valorise la communauté noire et ne lui porte pas préjudice. Par contre, le cliché «les femmes ne savent pas conduire» connote l'idée que les femmes sont un danger public sur les routes et, en suivant cette logique, que les hommes conduiraient bien mieux qu'elles. Ce cliché est rabaissant et dénigrant pour les femmes. Avec ces exemples, l'on comprend qu'il faut distinguer différentes formes de stéréotypes. Nous allons ici les classer en quatre grandes catégories: Les catégories utilisées dans la vie humaineLa perception de la réalité et sa compréhension passent nécessairement par le langage, les symboles et les signes. Ce sont toutes les catégories qu'on utilise à travers un exemplaire typique, une manière de penser qui se veut simplificatrice. Par exemple, pour représenter le concept «arbre», nous avons tendance à penser directement au chêne. Alors qu'il existe des arbres très différents dans le monde comme le palmier, le chêne devient, dans notre imaginaire, le représentant de tous les arbres. En soi, de telles catégorisations sont nécessaires mais il faut avoir conscience de leur caractère simplificateur ou réducteur. Le stéréotypeIl s'agit d'une représentation par généralisation ou raccourci d'un ensemble de croyances partagées sur un groupe social et entretenues et véhiculées au sein d'un environnement donné. Le stéréotype, toujours en lien avec l'altérité, se base sur une simplification abusive de traits de caractères réels ou supposés d'une personne ou d'un groupe de personnes reflétant la vision que nous en avons. Le risque est en particulier de simplifier une réalité beaucoup plus diverse et complexe. Ainsi, beaucoup pensent qu'au sein des couples, les hommes sont plus agressifs que les femmes; mais c'est masquer notamment que les hommes se distribuent (comme les femmes d'ailleurs) selon un continuum des moins agressifs aux plus agressifs, même si, en moyenne, cette distribution se décale chez les hommes vers le pôle plus agressif, et qu'il y a évidemment des femmes plus agressives que la moyenne des hommes. La remarque vaut également pour la taille: les hommes sont en moyenne plus grands que les femmes, mais un grand nombre d'hommes (ceux de petite taille) sont évidemment plus petits que certaines femmes (de taille moyenne ou de grande taille). Le préjugéLe stéréotype devient un préjugé lorsqu'il s'accompagne de jugements de valeur dépréciatifs : le groupe d'appartenance est implicitement ou explicitement dévalorisé. Dire, par exemple, que les femmes sont frivoles, les Arabes fourbes, les Juifs riches, les homosexuels efféminés, les Noirs des violeurs, ou les musulmans des terroristes représente non seulement de fausses généralités mais vise avant tout à stigmatiser, dévaloriser, rejeter et mépriser ces groupes (ou pseudo-groupes). La discriminationLa discrimination est la mise en acte des préjugés. C'est traiter une communauté de gens d'une manière différente sous prétexte que ses membres seraient inférieurs au groupe auquel nous appartenons. Les discriminations ont donc des répercussions concrètes. Elles peuvent être de différentes natures. On parle de sexisme dans le cas de la discrimination sexuelle, d'homophobie pour la discrimination relative à l'orientation sexuelle, de racisme lorsqu'elle concerne l'ethnie ou la couleur de peau. Les racistes considèrent qu'il existe des «races» humaines différentes et qu'en leur sein, certaines seraient supérieures. Il existerait donc une hiérarchie entre les races, les Blancs se situant presque systématiquement au sommet. De telles idées sont intimement liées à un comportement intolérant et violent, psychologiquement et/ou physiquement, envers ces personnes considérées commeinférieures. Aux États-Unis, le racisme a atteint son paroxysme avec l'esclavage des Noirs suivi de la ségrégation raciale, qui était une forme de discrimination institutionnalisée (sous le faux prétexte «séparés mais égaux» sur lequel se sont appuées les lois dites «Jim Crow». |
Une fois le stéréotype et ses nuances éclairés, revenons à Green Book. L'idée est de demander aux participants s'ils se souviennent de certaines scènes dans le film évoquant des stéréotypes. Si le film les représente, cela ne signifie pas forcément qu'il les reproduit. Bien au contraire, il peut les questionner voire même les dénoncer, ou encore s'en servir pour montrer l'évolution d'un personnage. Comme il s'agit d'un film inspiré d'une histoire vraie, mettre en exergue des stéréotypes est aussi une façon pour le réalisateur de présenter la vision d'une communauté de personnes sur une autre et ce, de manière à comparer les manières de penser de l'époque où se déroule le film avec les nôtres.
Demandons aux participants et participantes de se remémorer les stéréotypes dont ils se souviennent spontanément et de préciser pourquoi, selon eux, il s'agit de stéréotypes. Notons-les au tableau pour obtenir une vue d'ensemble. Réfléchissons ensuite aux individus ou divers groupes de personnes qu'ils visent et à la position de l'auteur du film à cet égard: est-ce qu'il se moque du stéréotype? le dénonce-t-il? est-ce qu'il en montre l'absurdité, la bêtise? le reproduit-il consciemment? en joue-t-il?
Pour que toute la classe participe, fournissons aux élèves, et principalement à ceux restés davantage en retrait lors de la première étape de l'activité, une liste de faits et d'événements du film où l'on peut déceler l'un ou l'autre cliché et qui sont susceptibles d'alimenter le débat. Demandons ensuite aux participants et participantes d'expliquer, de la même façon que lors du premier exercice, à quoi cela se rapporte pour eux.
Quelques éléments du film pouvant aider à la réflexion
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[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.]
[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.]
Pendant de nombreuses années, sinon des siècles, l'homosexualité a été considérée et jugée notamment par les autorités publiques comme un péché, un crime, puis une maladie mentale. Dans les années 1950 et 60, les pratiques homosexuelles étaient encore interdites dans tous les États américains; elles étaient passibles d'une amende ou d'une peine de prison. Les policiers s'arrangeaient pour coincer des couples, par exemple, dans les toilettes publiques. Ceux-ci étaient alors arrêtés pour obscénité. Les homosexuels étaient également exclus des emplois dans les services publics. Malgré certaines avancées dans le domaine après la Deuxième Guerre mondiale, notamment dans l'État de New York qui comptait la plus grande communauté homosexuelle du pays, les homosexuels continuaient à être poursuivis. Cela provoquera en particulier à New York en 1969 la première manifestation en faveur du droit des gays suite aux descentes répétées de la police au Stonewall, un bar fréquenté par des homosexuels, lesbiennes et transgenres. Le premier État à avoir abrogé les lois contre les pratiques homosexuelles est l'Illinois en 1962; les autres suivront petit à petit le mouvement, et ce n'est qu'en 1979 que ces lois seront finalement abolies dans tous les États du pays. La communauté homosexuelle ne recevra aucun soutien de la part des politiques avant 1970 et ce n'est qu'en 1973 que l'homosexualité cessera officiellement d'être considérée comme une maladie mentale aux États-Unis.
Le film Green Book se déroule en 1962. Se reposant dans sa chambre d'hôtel à Macon en Géorgie, Tony reçoit un appel téléphonique de la police: Don Shirley a été arrêté. Il le retrouve dans une salle de douche, encadré par deux policiers. Le pianiste est entièrement nu. Un homme, nu également, se tient à ses côtés. Ils sont tous les deux menottés. L'on comprend alors que Don Shirley est homosexuel et qu'il a été arrêté pour avoir eu des relations avec un autre homme. Tony soudoiera les policiers pour faire libérer le musicien. Cette courte scène nous rappelle évidemment les fortes discriminations dont la communauté homosexuelle a été longtemps victime. On remarquera que Don Shirley est alors victime d'une double stigmatisation, comme homosexuel et comme Noir.
[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.]