Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré à
La Part sauvage
un film de Guérin van de Vorst
Belgique, 2018, 1h20
Ce dossier pédagogique réalisé par Les Grignoux et consacré au film La Part sauvage de de Guérin van de Vorst s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront ce film avec leurs élèves (à partir de 15 ans environ).
L'extrait ci-dessous revient sur les principales thématiques du film.
Après trois années passées en prison pour divers petits braquages, Ben retrouve du travail et tente de renouer avec son fils Samir, qui a maintenant dix ans et qui le croyait en Australie. Engagé comme carrossier dans le garage de son ami Anouar, qui le soutient et l'intègre à sa vie de famille tout en accompagnant sa toute nouvelle pratique de l'islam, le jeune homme évolue dans un contexte plutôt favorable à une réinsertion réussie. C'est alors qu'il renoue, un peu par hasard, avec d'anciennes connaissances de son quartier.
À sa grande surprise, les petits délinquants qu'il fréquentait avant son incarcération sont devenus de fervents pratiquants. Et de séances de prière en petites leçons de morale, Mustapha, ancien braqueur converti en maître à penser, va exacerber chez Ben le profond sentiment d'injustice qui l'anime, le couper insidieusement de son entourage et l'attirer dans la spirale d'une foi aveugle. L'emprise qu'il a sur lui est d'autant plus importante que le jeune homme trouve chez les «frères» des repères et une chaleur humaine pareille à celle du foyer qu'il a perdu ainsi qu'une légitimité aux démarches peu orthodoxes qu'il met en place pour voir son fils en secret et le protéger d'une mère «mécréante».
Le thème principal du film semble bien être la radicalisation mais une analyse un peu plus large permet de mettre en évidence d'autres sujets importants comme la paternité et la relation père/fils, le rôle de la prison ou encore les difficultés du parcours de réinsertion. Toutes ces thématiques s'imbriquent de manière complexe à travers le destin particulier d'un homme et des choix qu'il pose pour avancer dans la vie.
L'objectif de l'animation développée ci-dessous est d'amener les participants à évaluer l'importance de ces thèmes et, dans un second temps, à observer la manière dont ils s'articulent pour faire apparaître certains facteurs favorisant le processus de radicalisation.
Dans un premier temps, ouvrons une discussion en grand groupe afin de récolter les avis et impressions des participants sur le film la Part sauvage.
Au besoin, aidons-les avec des questions comme:
Répartissons ensuite les participants en petits groupes et soumettons-leur une liste de quatre thèmes à discuter. Pour chacun d'eux, il s'agira d'évaluer son importance dans le film et la manière dont il est traité.
Les thématiques du filmVoici quatre thèmes que l'on peut identifier dans le film La Part sauvage. Quelle importance donnez-vous à chacun de ces thèmes? Servez-vous des questions suivantes pour échanger des arguments et, après accord au sein du groupe, indiquez le fruit de votre évaluation collective sur les échelles correspondantes (de 1 «insignifiant», à 5 «très important»). | |||||||
La paternité, les relations père/fils | insignifiant | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | très important |
La prison et ses effets | insignifiant | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | très important |
La pratique de l'Islam | insignifiant | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | très important |
Le processus de radicalisation | insignifiant | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | très important |
Afin d'orienter et de creuser leur réflexion, les participants recevront également un petit guide sous forme de questions, à raison d'un exemplaire par groupe (voir encadré ci-dessous).
Pistes de discussion
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Enfin, une discussion en grand groupe sera l'occasion de partager les résultats des différentes réflexions et d'analyser ensemble la manière dont ces thématiques s'articulent. Une telle approche devrait en effet permettre de mettre en évidence le point de vue du réalisateur sur la réalité qu'il montre:
L'on propose ci-dessous une série de commentaires sur les quatre grandes thématiques du film. On donnera de préférence un seul de ces encadrés par groupe (notamment si les élèves n'ont pas une grande maîtrise de l'écrit et des textes abstraits). Chacun sera invité à lire le texte proposé, à souligner les termes1 qui lui paraissent importants et à réagir (silencieusement dans un premier temps) aux idées émises.
Cette lecture sera suivie d'un exercice d'expression orale, une personne dans chaque groupe devant exposer — avec ses propres mots — au reste de la classe les idées principales contenues dans le texte. Cette personne terminera son exposé par d'éventuelles remarques personnelles.
Enfin, l'on soumettra à tous les groupes une synthèse écrite [cette synthèse est disponible dans le dossier imprimé]. Cette synthèse porte sur le point de vue du réalisateur Guérin van de Vorst, tel qu'on peut le reconstituer à travers le film la Part Sauvage. Ce texte pourra bien sûr faire l'objet d'une discussion avec l'ensemble des participantes et participants.
Les relations père/filsLa primauté des relations père/fils apparaît dès le début du film, lors de la rencontre entre Ben, Nadia et Samir, qui n'a pas vu son père pendant toute la durée de son incarcération (on apprendra un peu plus tard qu'il a séjourné trois ans en prison). D'emblée nous ressentons l'impact de cette absence sur leurs relations: alors que Ben tente de rétablir le contact sur base des centres d'intérêt que Samir manifestait trois années plus tôt, il réalise que son fils a profondément changé, se montrant à la fois réservé et relativement indifférent à la petite voiture rouge qu'il lui offre. De la même façon, en évoquant une partie de karting ou la possession d'un téléphone portable, il montre qu'il ne parvient pas à cerner les désirs et besoins d'un enfant de dix ans. Comme le fait remarquer Nadia, il est effectivement bien trop jeune pour posséder un téléphone ou faire du karting. La perte de contact a donc induit beaucoup de distance entre Samir et son père, qui n'a pourtant cessé de penser à lui chaque jour de sa détention. Nadia, quant à elle, voit d'un mauvais œil le rétablissement d'une relation entre eux. Invoquant le manque de confiance qu'elle témoigne vis-à-vis de son ex, elle ne répond pas à ses appels, et la seule manière de voir son fils sera finalement pour Ben de se rendre aux portes de l'école pendant les récréations. Très vite, cette situation l'amène à prendre des risques et à commettre des actes moralement répréhensibles: l'attirer par des cadeaux (un téléphone à 619€, une PS3), venir le chercher en douce à la sortie de l'école tous les mardis pour passer deux heures avec lui, utiliser en cachette la voiture d'un client du garage où il travaille, emmener Samir en pleine nuit pour le ramener chez lui, lui apprendre la prière et ses rituels, et finalement, organiser son enlèvement pour l'emmener avec lui en «Terre d'Islam». Or, tous ces moments clandestins passés ensemble, s'ils ne se déroulent évidemment pas dans des circonstances idéales, vont fortement rapprocher le père et le fils en leur permettant de mieux se connaître, de partager des activités purement «gratuites» comme, par exemple, une excursion en bateau sur le canal, et d'établir entre eux une vraie complicité et de solides liens affectifs. La fin du film, qui place Ben face à un dilemme — partir avec ses «frères» sans son fils/abandonner ce projet pour rester avec lui ou à tout le moins dans son environnement proche — révèle à quel point l'amour que lui témoigne désormais Samir en se précipitant dans ses bras est important dans le choix qu'il fait alors de renoncer à son départ et, sans doute, à l'Islam radical. |
Prison et parcours de réinsertion[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.] |
Islam et islamisme[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.] |
Radicalisation[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.] |
Le point de vue de Guérin van de Vorst[Ces commentaires sont disponibles dans le dossier imprimé.] |