Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré à
Croc-Blanc
un film d'animation d'Alexandre Espigares
France, 2018, 1 h 25
Ce dossier, destiné aux institutrices et institeurs qui verront le film Croc-Blanc avec des jeunes spectateurs entre six et onze ans environ, propose plusieurs animations à mener en classe avant et après la vision du film.
L'extrait ci-dessous est consacré à la thématique du film.
Au-delà de l'histoire particulière d'un jeune chien-loup, c'est la question plus générale du rapport entre l'homme et l'animal qu'abordent l'auteur et le réalisateur de Croc-Blanc. C'est par conséquent cet aspect que nous allons maintenant envisager. Cette relation se trouve en effet au cœur d'une réflexion sur la nature, ici opposée à la civilisation. Cette animation devrait par ailleurs permettre aux jeunes élèves de creuser et d'organiser les souvenirs qu'ils ont gardés du film.
Débutons l'activité en amenant les enfants à constater que le film d'Alexandre Espigares confronte deux mondes bien différents : la nature sauvage, incarnée par Croc-Blanc, et la société humaine, représentée successivement par Castor-Gris, Beauty Smith et Weedon Scott. Il montre ainsi comment l'environnement et les expériences que traverse Croc-Blanc au fil de ses rencontres avec les hommes façonnent son comportement et déterminent l'adulte qu'il devient.
Après cette courte présentation, invitons-les à inventorier tout ce que Croc-Blanc apprend au contact des hommes, les comportements que ceux-ci attendent de lui ainsi que la manière dont ils le lui inculquent et les effets que ces conduites vont avoir sur le jeune chien-loup.
L'activité se déroulera de préférence en petits groupes, éventuellement sur base d'un support tel que le tableau présenté ci-dessous, et elle se clôturera par un échange en grand groupe.
Au cours de cette discussion, les enfants seront également invités à formuler leurs avis sur la manière dont les différents adultes du film traitent Croc-Blanc, puis sur la manière dont eux-mêmes envisagent le rapport à l'animal ainsi que sa place dans notre société.
Voici quelques questions simples qui devraient permettre de lancer ou relancer le débat avec de petits enfants :
Avez-vous des animaux à la maison ? Lesquels ?
CROC-BLANC |
||||
| Il rencontre : | Le projet de l'homme | Ce que Croc-Blanc apprend avec lui | Comment il l'apprend | Comment il devient |
|---|---|---|---|---|
| Castor-Gris (village indien) |
Il veut le domestiquer pour l'intégrer à son attelage de chiens de traîneau, le faire travailler. | • À tirer des charges • À devenir endurant • À se défendre ; à se faire respecter des autres chiens |
• Croc-Blanc s'exerce à tirer des charges de plus en plus lourdes. • Castor-Gris le laisse suivre le traîneau jusqu'à ce qu'il prouve qu'il peut intégrer l'attelage. • Castor-Gris lui inflige une épreuve : il l'attache à un pieu et lance les autres chiens sur lui. | Croc-Blanc acquiert de la force et de l'autorité sur les autres chiens. Il devient le chien de tête et un fidèle compagnon pour Castor-Gris. |
| Beauty Smith (ville de Fort-Yukon) |
Il veut gagner beaucoup d'argent en faisant participer Croc-Blanc à des combats de chiens. | • À obéir • À se battre contre un chien, puis contre plusieurs chiens à la fois |
• Par la violence physique : sur les conseils d'un ami, Beauty Smith le roue de coups avec un bâton. • Par la violence psychologique : il le malmène et le menace, l'enferme seul dans une cage et ne l'en sort que pour les combats. |
Stressé et terrorisé, Croc-Blanc se résigne à tout accepter de Beauty Smith ; l'enfermement, la peur et la solitude le rendent agressif au combat ; il est devenu méfiant vis-à-vis des hommes. |
| Weedon Scott (coin de campagne à proximité de Fort-Yukon) |
Il veut sauver la vie de Croc-Blanc en mettant fin au combat de chiens ; ensuite, il souhaite l'apprivoiser et l'intégrer au foyer familial. | • À retrouver confiance en l'homme • À intégrer quelques règles de la société humaine |
• Par la douceur des paroles et les gestes affectueux de ses nouveaux maîtres. • Maggie lui explique qu'il ne peut pas tuer les poules ; elle l'accompagne au poulailler et le réprimande à chaque fois que son instinct reprend le dessus et qu'il menace de les approcher ; elle lui impose ensuite une épreuve : rester seul au poulailler. |
Croc-Blanc a retrouvé confiance et se montre attaché à Weedon et à Maggie ; il leur témoigne son affection et sa gratitude en les défendant lorsqu'ils sont attaqués par Beauty Smith et son acolyte ; il parvient même à dépasser sa peur en brisant le bâton de son ancien maître. |
À travers les comportements de Castor-Gris, de Beauty Smith et du couple Scott, Alexandre Espigares interroge le rapport que nous entretenons avec les animaux.
L'originalité du film réside essentiellement dans le traitement du sujet, exploré d'un point de vue extérieur correspondant à celui de l'animal « naïf » qui découvre l'homme et la civilisation. Pour Croc-Blanc, tout ce qui se passe dans ce nouveau monde est étonnant et va à l'encontre de sa nature sauvage, nécessitant de sa part un apprentissage plus ou moins douloureux et difficile.
C'est avec Castor-Gris qu'il découvre la société humaine et la place que celle-ci lui réserve, à la fois proche et distante : désormais nourri, il est attaché à proximité des tentes où s'abritent les hommes — mais sans y avoir accès — et doit mériter sa place en apprenant à travailler aux côtés des autres chiens de traîneaux qui, contrairement à lui, sont nés dans cet environnement avec cette fonction-là. Il mène une vie rude mais il est respecté et apprécié à sa juste valeur.
Quant à Beauty Smith, il va lui faire découvrir un tout autre univers : celui de la ville – la foule, les bruits amplifiés, les lumières artificielles — mais aussi et surtout une violence qu'il ne comprend pas et diverses formes de maltraitance : l'enfermement entre quatre planches, les coups de bâtons, le manque de nourriture, l'obligation de se battre… La terreur qu'il éprouve face à Beauty Smith remplace alors l'attachement qui l'unissait à son ancien maître et il va nourrir à l'égard de l'homme une haine et une agressivité qu'il ne pourra libérer qu'au cours des combats de chiens.
Enfin, Weedon Scott et son épouse Maggie incarnent un troisième monde au sein duquel il va pouvoir rétablir une relation de confiance avec les humains. C'est de loin pour lui l'univers le plus agréable — abrité dans une cabane confortable et ouverte sur le jardin, il reçoit de quoi manger et beaucoup d'affection — mais c'est sans doute aussi le plus exigeant. En effet, pour rester avec eux, il faut impérativement qu'il apprenne à dépasser son instinct, comme par exemple à ne plus tuer de poules, un exploit extrêmement difficile pour lui mais qu'il va pourtant réussir à force de patience et d'amour de la part de ses nouveaux maîtres.
Domestiqué par Castor-Gris pour aider le village dans ses travaux quotidiens, exploité et maltraité par un Beauty Smith insensible et mu par l'appât du gain, Croc-Blanc devient à la fin du film un véritable ami pour Weedon et Maggie au point d'être intégré à la famille, comme un véritable animal de compagnie.
Même si Croc-Blanc est parfaitement heureux auprès des époux Scott, plusieurs scènes ou plans du film nous indiquent qu'il éprouve une certaine nostalgie vis-à-vis de sa vie passée loin des hommes, au cœur de la forêt. Nous avons ainsi le sentiment qu'il est profondément partagé entre les deux types d'existence, ce que révèle particulièrement sa posture sur le chariot qui les emmène tous les trois en Californie : dos à la marche du véhicule, il contemple les paysages qui s'éloignent petit à petit. Maggie et Weedon comprennent ce qu'il peut ressentir à ce moment-là et ils décident de lui rendre sa liberté. Croc-Blanc va se poster sur un rocher avancé qui domine les lieux et le hurlement qu'il pousse alors retentit dans toute la montagne, attirant l'attention de Castor-Gris mais aussi de sa mère Kichë, qui sillonne les crêtes en compagnie de William. Il rebrousse ensuite chemin et le film se termine.
En guise de prolongement, on pourrait demander aux enfants d'imaginer ce que va faire Croc-Blanc. La fin du film nous ne nous le dit pas, la dernière séquence évoquant simplement le dilemme auquel il est confronté : une vie rude mais libre ou une vie pleine d'amour et de confort mais aussi pleine de contraintes. L'interprétation sera donc totalement libre : va-t-il rejoindre le monde sauvage qu'il a connu dans son enfance, ou bien est-il simplement venu dire au revoir aux êtres qui lui sont chers (sa mère et son premier maître Castor-Gris) avant de remonter sur le chariot et quitter définitivement le Grand Nord ?
