Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
Wallay
de Berni Goldblat
France / Burkina Faso / Qatar, 2017, 1h24
Ady est un jeune adolescent turbulent vivant en banlieue, et son père, qui l'élève seul, a bien du mal à le cadrer. Il décide de l'envoyer chez son frère au Burkina, avec l'espoir que celui-ci pourra lui transmettre les valeurs de leur culture traditionnelle. Wallay est ainsi le récit d'un passage à l'âge adulte mais également de la confrontation entre deux types de sociétés aux valeurs contrastées.
Ce beau film s'adresse au jeune public à partir de 9 ou 10 ans environ. Le dossier pédagogique qui lui est consacré propose notamment aux jeunes spectateurs et spectatrices d'expliciter certaines situations ou actions des personnages dont les motivations peuvent être obscures, de dégager les formes du « voyage initatique » d'Ady ou encore de reconstruire la géographie du film.
Si Wallay s'adresse à un jeune public qui peut s'identifier au personnage d'Ady, il se démarque un peu des films « pour enfants » dans la mesure où certains gestes, certaines attitudes sont inexpliqués. Il faut pouvoir reconstruire le sens de ces gestes ou attitudes en établissant des liens implicites entre différents éléments du film, parfois avec un petit délai entre le geste et son explication.
Par exemple, quand Tonton Amadou voit Ady sous la douche, il se retourne et il marque un petit arrêt. L'on perçoit cela mais il est difficile d'interpréter ce comportement. (On aurait pu s'attendre, par exemple, à ce qu'il rie parce qu'Ady n'a pas bien « fermé la douche », ou à ce qu'il s'excuse d'avoir été involontairement indiscret, ou à ce qu'il se fâche parce qu'Ady n'a pas bien fermé la douche…)
Plus tard, on comprend qu'en voyant Ady nu, il a constaté que celui-ci n'était pas circoncis. Il s'arrête alors un instant, le temps de se dire sans doute que cela pose un problème et qu'il va falloir le régler.
Ce petit délai entre une chose et son explication ou le fait que certaines choses restent relativement inexpliquées se produisent à plusieurs occasions dans le film.
Invitons les jeunes spectateurs à élaborer des réponses aux questions suivantes :
Voici quelques éléments de réponse aux questions précédentes. Ils pourront peut-être compléter les réponses des participants ou leur proposer des interprétations différentes.
Peu de choses se sont passées dans le film avant que cette gifle intervienne. Il y a eu un prologue, puis quelques scènes assez courtes où l'on voit Ady qui achète des baskets, qui fanfaronne un peu, qui roule, hilare, sur un scooter avec un ami… Cette gifle signale que le père d'Ady est fâché sur son fils : on peut interpréter les images précédentes comme un exemple représentatif des comportements d'Ady que son père désapprouve. Acheter des baskets dans un parking (on les sort du coffre d'une voiture), et pas au magasin, laisse penser que ces chaussures sont l'objet d'un trafic un peu douteux, peut-être d'un vol. Et comment Ady s'est-il procuré l'argent ? On comprendra plus tard qu'il a volé une partie de l'argent que son père envoie à sa famille en Afrique. Quant au scooter, il ressemble à un véhicule de livraison, et l'on peut penser que les deux garçons ont volé ce scooter, d'autant plus qu'ils ne portent pas de casques… Ils rient, comme s'ils avaient fait une (mauvaise) blague… Tous ces éléments mis ensemble indiquent qu'Ady « fait des bêtises », comme beaucoup de garçons de son âge sans doute, mais certainement plus que les autres. Son père pense peut-être qu'il file un mauvais coton ; il s'inquiète pour son avenir. Que va-t-il devenir s'il ne respecte pas les règles ?
Le père d'Ady envoie son fils chez son frère Amadou en Afrique. Il n'a pas expliqué ses intentions à Ady, il lui a dit qu'il partait en vacances. En réalité, ce voyage a un autre objectif : «remettre Ady sur le droit chemin» pourrait-on dire. Tout se passe comme si son père n'arrivait pas à le faire obéir, à lui faire comprendre l'importance de certaines valeurs… Il pense que son frère Amadou pourra lui transmettre ces valeurs. C'est aussi une manière d'éloigner Ady de fréquentations que son père juge peut-être douteuses… Mais l'envoyer au Burkina, c'est aussi le confronter à une réalité très différente de celle qu'il connaît : moins de tentations, moins de distractions. Là-bas, Ady rencontrera un mode de vie moins facile où il faut pêcher ou cultiver la terre pour se nourrir…
Le film ne donne pas réellement d'explications sur le procédé qu'Ady a utilisé pour voler l'argent des mandats. Il faut connaître par ailleurs ce service offert par la poste. Jean dira que « chaque fois qu'Ady a été commissionné pour un mandat, il manquait de l'argent ». Un mandat de poste permet à une personne de verser de l'argent à une autre personne : il suffit de se rendre au bureau de poste avec de l'argent liquide et de demander que cet argent soit versé à tel destinataire. Le transfert d'argent est effectué par la poste et le destinataire reçoit un mandat qui lui permet d'aller retirer le montant au bureau de poste de sa localité. On comprend donc que chaque fois que son père a demandé à Ady d'aller effectuer un mandat, et qu'il lui a donné de l'argent liquide, Ady a prélevé une partie du montant avant de se rendre à la poste. Bien entendu, il suffit d'un coup de fil entre le père d'Ady et le destinataire pour qu'il se rende compte que tout l'argent n'est pas parvenu… (L'oncle Amadou a soupçonné le guichetier de son propre bureau de poste, avant de porter ses soupçons sur Ady…)
Ady cherche à vendre ses appareils (casque, smartphone … ) pour récupérer de l'argent puisqu'il doit rembourser son oncle. Il propose ces appareils aux amis de Jean (de jeunes adultes susceptibles d'avoir assez d'argent…) qui se trouvent être ses colocataires. Mais Jean a bien cerné la personnalité « roublarde » d'Ady. Et il suppose qu'Ady ment quand il annonce telle capacité de la batterie du téléphone, qu'il exagère pour convaincre l'acheteur potentiel. Ce genre d'achat de personne à personne suppose de la confiance… Mais Ady ne compte pas rester au Burkina et il n'aura pas à supporter les conséquences si la batterie du téléphone ne tient pas ses promesses ! Par contre, son cousin Jean qui a introduit Ady auprès de ses amis pourrait, lui, « avoir des ennuis ». Si le téléphone ne fonctionne pas comme annoncé par Ady, c'est évidemment vers Jean que l'acheteur va se tourner et adresser ses reproches !
Ady demande le prix d'un objet au marché, un objet qu'il est assez difficile d'identifier, une sorte de pochette en plastique qui semble contenir un magazine et un gadget, comme certaines publications pour enfants souvent assorties d'un cadeau. Il achète un bon nombre d'exemplaires, pour le montant de 5000 francs CFA1 ! Et l'on se demande à ce moment-là pourquoi Ady dépense tellement d'argent, à des futilités selon toute vraisemblance, alors qu'il est censé rembourser Tonton Amadou.
Plus tard, quand Ady rend visite à sa grand-mère, l'on voit qu'il y a des CD suspendus à des bâtons plantés dans son potager. On comprend alors qu'Ady a acheté des CD peu chers (les gadgets contenus dans les pochettes) pour éloigner les oiseaux qui saccagent le potager ; on a vu plus tôt dans le film la grand-mère qui jetait des petits cailloux sur les oiseaux pour les éloigner de ses légumes. (Le reflet de la lumière sur les CD mis en mouvement par le vent tient les oiseaux à l'écart.) Ainsi, cet achat, tout comme le matelas qu'Ady lui apporte, permet en quelque sorte de rembourser directement la grand-mère (qui semble aussi avoir été victime du vol sur les mandats). L'achat, a priori futile, effectué par Ady, le gamin inconséquent, se révèle être un acte généreux posé par Ady, le garçon sensible et attaché à sa grand-mère.