Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Le Ballon d'Or
de Cheik Doukouré
France-Guinée, 1994, 1h30
Ce dossier s'adresse aux enseignants qui verront le film avec leurs élèves. Le Ballon d'Or pourra être vu avec des élèves âgés entre neuf et douze ans environ. On trouvera ci-dessous le début d'une analyse du film.
Bandian habite un village en pleine brousse, bien loin des grandes villes et surtout bien loin de Conakry, la capitale. Hormis sa passion du football, rien ne laisse présager au départ qu'il deviendra un champion. Il faudra que survienne un « accident » et qu'il quitte le village pour que sa destinée se modifie.
Il est facile d'observer, lors des premières séquences qui montrent la vie d'une communauté villageoise en brousse, que l'avenir d'un enfant est assez transparent; celui-ci se trouve en effet appelé à prolonger naturellement la destinée de ses parents : élever le bétail et cultiver les légumes, deux tâches auxquelles l'enfant est d'ailleurs initié très jeune, et qui semblent avoir bien plus d'importance que l'école.
Une petite scène résume en quelques images cette évidence : à un moment donné, l'institutrice dicte aux élèves un problème relatif au temps qu'il faudra à Bandian et à son frère Kanimadi pour gagner l'argent nécessaire à l'achat d'un ballon de cuir : combien de tonnes de bois sera-t-il nécessaire de ramasser pour le payer ? Un élève demande alors combien de tonnes il y a dans un kilo : consciente du manque de connaissances et de motivations des écoliers, l'institutrice apportera elle-même la solution au problème, sans répondre à la question et sans expliquer les opérations.
Cette courte séquence permet de conclure aisément que très peu d'élèves émergeront de cette classe unique pour entreprendre des études supérieures et que l'avenir de Bandian, comme celui de ses compagnons, est tracé depuis toujours. Le football, qui occupe toutes ses pensées, n'est absolument pas pris en compte par les adultes. Il est même plutôt mal vu par les parents, le père et la belle-mère plus précisément, si l'on considère leurs réactions : le père méprise les propos de Saki, l'« homme-médecine», qui prédit à Bandian un avenir de grand champion, tandis que la belle-mère lui reproche de ne plus assez travailler, l'accuse d'avoir volé le ballon offert par Madame Aspirine, confisque l'argent durement gagné et finalement le ballon lui-même. Le père, lui, considère le cadeau de Madame Aspirine comme source de malheur.
La chance va servir Bandian une fois qu'il aura quitté le village.
Rappelons qu'il s'enfuit par crainte d'être tué par son père après l'accident survenu à cause du ballon. C'est donc indirectement le football qui se trouve responsable de cette rupture avec la famille et la communauté villageoise.
Nous l'avons vu lors des premières séquences, l'Afrique dépeinte par le film est une Afrique pauvre. Plus l'on se rapproche des grands centres urbains, plus la misère est visible et incite à penser que survivre est souvent une épreuve difficile. Pourtant le côté tragique de cette réalité n'apparaît pas vraiment, même dans les situations les plus « dramatiques». C'est que l'Afrique est perçue d'abord au travers du regard d'un enfant profondément heureux de vivre, qui nous communique d'emblée son enthousiasme : ainsi certaines situations, graves en soi, sont montrées comme presque « normales ». Par exemple, Bandian est jeté en prison à la suite d'un incident mineur : avoir monopolisé quelques minutes le ballon sorti des limites du terrain lors d'un match important; la sanction est démesurée et révoltante. Révoltantes aussi les conditions de détention : les cellules sont minuscules et surpeuplées; les prisonniers doivent vivre et dormir entassés les uns sur les autres; il y fait très chaud, étouffant; les visages sont couverts de sueur; les vêtements collent à la peau, il n'y a aucune hygiène. Vue au travers des yeux de Bandian, la scène paraît presqu'anodine. Les réflexions humoristiques des détenus enlèvent de surcroît le caractère pesant qui aurait pu régner sur la scène.
Certaines réflexions laissent penser par ailleurs que, si les arrestations sont arbitraires, la libération des détenus l'est également, dépendant finalement des circonstances du moment : par exemple, le week-end, il faut faire de la place. Bref, l'on sent que la prison fait partie du quotidien de ces gens, que l'on devine pauvres, sans protection et marginalisés. Parmi le groupe d'enfants emprisonnés en même temps que Bandian, il n'y en a aucun qui sera réclamé par un parent ou un membre de sa famille. Et lorsque Béchir Bithar fait libérer celui qui deviendra son protégé, il se présente simplement et normalement comme son patron.
Mis à part cette scène particulièrement choquante, le film nous dit encore que, pour survivre sans famille, un enfant ou un adolescent doit se débrouiller seul, qu'il se trouve alors à la merci d'adultes peu scrupuleux, qui profitent de son dénuement et de sa fragilité pour l'exploiter sans vergogne. Sans porter de jugement moral ou même de regard accusateur n'oublions pas que le réalisateur a choisi délibérément de représenter l'Afrique du point de vue de Bandian , le film montre le travail harassant de jeunes adolescents debout dès l'aube, ne disposant pour se nourrir que de quelques minutes, dormant sur de vulgaires paillasses. Il montre également les entrepôts désaffectés qui servent de dortoirs aux nombreux enfants orphelins abandonnés ou simplement perdus. En ville d'ailleurs, tous les enfants que nous voyons semblent étrangers au monde des adultes, tout en étant à leur merci. A l'exception de Karim, tous sont présentés sous un mauvais jour.
En se remémorant les rencontres faites par Bandian au cours de son périple, les élèves pourraient étudier le comportement des principaux personnages à son égard, préciser leurs traits de caractère : comment les adultes se comportent-ils vis-à-vis de Bandian ? Que peut-on en déduire sur la condition de l'enfant dans les grandes villes africaines ? etc. Comme exemples, citons :
On le voit, le contexte n'est pas vraiment favorable à l'épanouissement de l'enfant, encore moins à la réalisation de ses désirs et de ses rêves.