Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Wadjda
de Haïfaa Al Mansour
Arabie Saoudite, 2012, 1h37
Le dossier pédagogique consacré au film Wadjda s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film avec leurs élèves, à partir de onze ans environ. On reviendra sur les principaux aspects du film, notamment sur la ségrégation entre hommes et femmes pratiquée en Arabie Saoudite, et sur les inégalités entre les sexes dans cette société mais aussi dans la nôtre. il se termine par une réflexion sur l'émancipation dont témoigne le film Wadjda, au travers aussi bien du parcours de sa jeune héroïne que de celui de sa réalisatrice. L'extrait ci-dessous s'attache plus particulièrement à la place des hommes dans la société saoudienne, telle qu'elle est représentée dans le film.
L'intention pédagogique de cette animation est de rassembler et d'interpréter des observations pour mieux définir la place et le rôle des hommes dans la société saoudienne et ainsi d'en affiner la perception.
Le film dénonce un système social, religieux, politique qui privilégie fortement les hommes puisque ceux-ci jouissent d'une liberté bien plus grande que les femmes. Invitons les participants à rassembler leurs observations relatives aux personnages masculins du film et à les commenter.
La classe pourra être organisée en groupes pour dresser quatre portraits: le père de Wadjda, Abdallah, Iqbal, le marchand de jouets.
Même si le film brosse, avec justesse sans doute, un tableau assez sombre de la condition féminine en Arabie Saoudite, ce tableau n'est pas sans nuance. En particulier, les portraits individuels des hommes ne sont pas manichéens.
Le père de Wadjda, tout d'abord, est partagé entre l'amour qu'il porte à sa famille et à sa femme et la pression sociale qui lui demande d'avoir un fils et qui l'autorise pour cela à prendre une deuxième épouse. Cet homme aime beaucoup sa fille et certainement sa femme, qu'il complimente d'ailleurs à plusieurs reprises (sur sa beauté et son élégance, sur ses qualités de cuisinière ) et lorsqu'il quitte la maison (pour son propre mariage, comme on le comprendra plus tard), il laisse à Wadjda le message suivant: «dis à ta mère que je l'aime». Quand celle-ci s'est révoltée par rapport au deuxième mariage de son mari, il lui a répondu, très prosaïquement, que cela ne l'amusait pas d'avoir deux familles à nourrir Ces quelques éléments laissent penser que, si cela ne tenait qu'à lui, il préfèrerait rester avec sa femme et sa fille, mais que c'est l'insistance de la famille et de la société en général qui le pousse à faire un deuxième mariage
Wadjda a exprimé sa tristesse de ne pas compter dans la généalogie de son père en punaisant son nom sur la branche morte qui le représente. Elle retrouvera ensuite le petit papier chiffonné et jeté. On peut penser que le geste de colère de son père qui a ainsi arraché le nom de Wadjda est plus dirigé vers la contrainte sociale qui lui est imposée que vers le geste somme toute timide de sa fille
Autre personnage masculin, Abdallah, le jeune ami de Wadjda, est tout à fait sympathique et ne joue jamais de sa supériorité de garçon. Certes, il taquine Wadjda, en lui volant son sandwich ou en lui enlevant son foulard, mais il s'agit là plus d'un jeu entre amis que d'un acte malveillant. Par ailleurs, Wadjda se défend très bien, grâce à son sens de la répartie. Abdallah soutient Wadjda dans ses projets: il l'accompagne quand elle se met à la recherche d'Iqbal, il lui laisse son vélo pour qu'elle apprenne à rouler dessus Il lui déclare même qu'il voudrait se marier avec elle quand ils seront grands.
Le marchand de jouets aussi se montre aimable avec Wadjda. S'ils se taquinent l'un l'autre (il lui reproche gentiment de ne rien acheter dans son magasin, elle se moque de son vieux tourne-disque), il accepte tacitement de lui garder le vélo et il ne fait aucune leçon de morale quant au fait que les filles ne sont pas censées faire de la bicyclette
Même le chauffeur Iqbal qui reproche à la mère de Wadjda d'être toujours en retard et qui n'est pas très sympathique a, pourrait-on dire, des circonstances atténuantes. L'on apprendra en effet qu'il n'a plus vu sa fille depuis plusieurs années On peut en déduire qu'il est un travailleur immigré1, qui a dû s'éloigner de sa famille pour gagner sa vie et qu'il n'est pas très heureux. Quand Wadjda et Abdallah se rendront chez lui pour exiger qu'il reprenne son travail, on se rendra compte également qu'il vit dans une grande pauvreté.
Ainsi, aucun personnage masculin du film n'incarne le patriarcat oppressant qui caractérise la société saoudienne. Même si leur situation est plus enviable que celle des femmes, les hommes semblent eux aussi soumis à un système qui les dépasse. Haifaa Al Mansour, la réalisatrice du film, déclare d'ailleurs: «Les femmes et les hommes sont dans le même bateau, tous soumis à la pression de la société pour se comporter d'une certaine façon, forcés à agir avec les conséquences du système à chaque décision prise.»