Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Monsieur Lazhar
de Philippe Falardeau
Canada (Québec), 2011, 1h34
Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse notamment aux enseignants du primaire ou du début du secondaire qui verront le film Monsieur Lazhar avec des spectateurs entre dix et treize ans environ. Il retiendra également l'attention des animateurs en éducation permanente qui souhaitent mener une réflexion autour de ce film dans le cadre notamment d'un dialogue intergénérationnel ou interculturel.
Le dossier comprend plusieurs parties qui correspondent à autant de pistes d'exploitation possibles : en fonction de ses intérêts et de ceux du public auquel il s'adresse, l'enseignant ou l'animateur retiendra sans doute l'une ou l'autre de ces pistes, même s'il est tout à fait possible de parcourir l'ensemble des animations proposées. Celle proposée ci-dessous porte plus particulièrement sur les différents thèmes du film.
L'objectif principal de l'animation que nous proposons ici consiste à amener les jeunes spectateurs à identifier par eux-mêmes les thèmes importants de Monsieur Lazhar. À cette fin, commençons par leur demander quel est, à leur avis, le sujet principal du film. Inscrivons les propositions au tableau de la classe, et suggérons-leur ensuite de revenir sur la liste des situations qui leur a été confiée pour réaliser la première activité, et qui sont retranscrites ci-contre. Invitons alors les enfants à se répartir en petits groupes afin de réfléchir sur une manière pertinente de regrouper ces propositions en fonction des thèmes identifiés pour chacune d'entre elles.
Aux plus jeunes, on pourra éventuellement fournir en supplément une liste de mots ou expressions clefs, à étoffer par l'enseignant s'il le souhaite
apprentissage - assassinat - deuil - dictature - immigration - injustice - mort - perte - réfugié politique - relation maître-élèves - sentiment de culpabilité - suicide - violence
Les grands thèmes du filmEn vous aidant de la liste ci-dessous, mais aussi en vous servant de vos souvenirs personnels du film, pouvez-vous identifier les thèmes importants de Monsieur Lazhar? Quelles sont, à votre avis, les grandes questions que le film aborde? Tâchez de justifier vos réponses en citant au moins deux situations du film.
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Voici, à titre d'exemples, trois sujets que l'exercice permettra certainement de mettre en évidence:
La mort, et en particulier la mort violente, représente un thème essentiel du film; on peut dire en effet que le suicide de Mademoiselle Lachance rejoint l'assassinat des proches de Monsieur Lazhar dans la mesure où ces actes présentent tous les deux un même caractère inattendu d'une part, et délibéré, intentionnel d'autre part. La question de l'assassinat politique revient d'ailleurs plus tard dans le film lorsque Victor, d'origine chilienne, explique à ses condisciples ce que signifie le mot «défenestré», en évoquant le sort qui avait été réservé à son grand-père sous la dictature militaire du général Pinochet.
C'est la question de cette mort brutale et par conséquent choquante qui amène naturellement des thèmes comme la violence et l'injustice mais aussi comme la perte, qui sont particulièrement bien développés dans Monsieur Lazhar à travers les réactions des enfants de la classe et celles de l'instituteur. Ceux-ci partagent en effet la même condition de deuil, en dépit des circonstances particulières qui entourent le décès de Martine Lachance et celui des proches de Monsieur Lazhar.
La situation de Bachir Lazhar au Québec — province francophone du Canada — permet d'aborder également la question de l'immigration, plus spécifiquement la situation et le statut des demandeurs d'asile.
Dans le film de Philippe Falardeau, Bachir Lazhar ne s'exprime pas sur les événements douloureux de son histoire. Nous apprenons ce qui est arrivé uniquement par trois courtes scènes qui se passent chez son avocat et devant la commission chargée de traiter son cas. Ce sont également ces entrevues qui nous renseignent sur la situation de Bachir au Canada; contrairement à ce qu'il prétend devant Madame Vaillancourt pour obtenir le poste d'instituteur, il n'est pas résident permanent mais bien demandeur d'asile; ce n'est qu'au terme de l'enquête menée en Algérie à la demande des autorités canadiennes qu'il finit par obtenir le statut de réfugié politique. En tant que réfugié reconnu, il peut alors introduire une demande de résidence permanente, qui lui accordera le droit de séjourner au Canada à vie (mais sans en être devenu pour autant un citoyen; autrement dit, sans en prendre la nationalité)[1].
La question des rapports entre les enfants et leur instituteur ou institutrice se trouve également au cœur du film de Philippe Falardeau qui introduit, à travers plusieurs situations, une réflexion sur «ce qui se fait» et «ce qui ne se fait pas». Bien que ce soient essentiellement des points de vue d'adulte qui s'expriment sur cette thématique, les enfants, directement concernés, auront sans doute été également sensibles à la question de la tolérance zéro en matière de contacts physiques entre élèves et enseignants.
Par ailleurs, on observe encore que Monsieur Lazhar et les autres institutrices de l'école agissent de manière très différente. Ainsi le local de la classe est sobre: de couleur orange à l'origine, les murs ont été repeints en gris, la psychologue dit que la classe ressemble à une chambre d'hôpital, une enseignante s'exclame qu'elle n'a plus vu une classe aussi bien rangée depuis des lustres, les bancs, auparavant disposés en demi-cercle afin de favoriser les échanges, ont été replacés en rangées… Avec l'arrivée de Bachir, c'est une autre figure du maître ainsi qu'un environnement traditionnel qui se sont reconstitués; s'ajoute à ce cadre des priorités différentes, comme l'orthographe par exemple, le recours à des méthodes d'enseignement aujourd'hui dépassées: la dictée, systématique et extraite de grands textes classiques fort éloignés du vécu des enfants, la désignation des fonctions grammaticales par des termes et des expressions qu'ils ne comprennent plus; enfin, on peut encore retenir la perplexité du nouvel instituteur face à la pédagogie moderne et plus spécialement à la notion de «compétences transversales» ainsi que ses doutes quant à l'apprentissage d'une seconde langue à l'école primaire.
1. Ce parcours de Bachir Lazhar au Canada fait l'objet d'une animation spécifique dans ce dossier. Dès lors, si l'enseignant souhaite la réaliser avec ses élèves, il conviendra de ne pas s'attarder prématurément sur ce thème, dans la mesure où l'objectif de cette animation est précisément d'amener les enfants à identifier le statut de l'instituteur ainsi que son évolution au cours du film en recourant à un document conçu à cette fin.