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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au dessin animé
Le Tableau
de Jean-François Laguionie
France 2011, 1h20

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse notamment aux enseignants du primaire qui verront le dessin animé Le Tableau avec des jeunes spectateurs entre six et douze ans environ. Il retiendra également l'attention des animateurs en éducation permanente qui souhaitent mener une réflexion autour de ce film notamment dans le cadre d'un dialogue intergénérationnel.
Le dossier comprend plusieurs parties qui correspondent à autant de pistes d'exploitation possibles : en fonction de ses intérêts et de ceux du public auquel il s'adresse, l'enseignant ou l'animateur retiendra sans doute l'une ou l'autre de ces pistes, même s'il est tout à fait possible de parcourir l'ensemble des animations proposées. Celle proposée ci-dessous porte plus particulièrement sur les souvenirs laissés par le film et leur organisation sous forme schématique grâce à un dialogue en grand groupe.

Se souvenir du film

Le Tableau de Jean-François Laguionie raconte une histoire relativement simple — les personnages d'un tableau partent à la recherche de leur créateur, un peintre qui semble les avoir abandonnés — mais qui pose de nombreuses questions notamment à un jeune public peut-être désorienté par cet univers à la frontière entre l'imaginaire et le réel. Il est donc intéressant de revenir avec les spectateurs (jeunes ou moins jeunes d'ailleurs) sur leur compréhension du film: tout le monde donne-t-il le même sens aux événements représentés? Y a-t-il différentes interprétations possibles du film? Doit-on y chercher une signification éventuellement«cachée»? Que faut-il comprendre de toute cette aventure?

Pour mener une telle réflexion après la vision du film, les spectateurs ne disposeront que de leurs propres souvenirs ainsi que de quelques outils de remémoration comme des images du film, des résumés ou éventuellement des extraits (disponibles notamment sur Internet). L'avantage d'une vision en groupe (par exemple dans le cadre scolaire) est cependant de pouvoir confronter les souvenirs des uns et des autres et de pouvoir ainsi s'appuyer sur une espèce de mémoire collective.

L'animation proposée ici consistera précisément à travailler sur les souvenirs du groupe de spectateurs tout en favorisant la réflexion sur les différents éléments filmiques ainsi évoqués: le dessin animé de Jean-François Laguionie — comme tout autre film — est en effet organisé comme un ensemble hiérarchisé dont il est possible de reconstruire «l'architecture», qu'il s'agisse de l'histoire racontée, du «système» des personnages, de l'articulation entre les multiples lieux traversés ou encore de la logique reliant les «univers» représentés. On espère en abordant ces différentes dimensions à la fois faciliter la remémoration des spectateurs et mener avec eux une réflexion sur le sens qu'on peut donner à ce dessin animé.

Déroulement

Proposons d'abord naturellement aux spectateurs de faire part de leurs premières impressions. Ont-ils aimé le film? Certaines scènes les ont-elles plus particulièrement marqués? Se souviennent-ils précisément de certaines images? Certains personnages, certains endroits leur ont-ils paru remarquables? Y a-t-il éventuellement certains aspects du film qui leur ont moins plu ou carrément déplu? Ces premières impressions, qui pourront être rapidement notées au tableau, permettront déjà de repérer les éléments du film auxquels les spectateurs auront été le plus sensibles.

Les différentes «espèces» de personnages

Passons immédiatement aux personnages, en particulier tels qu'ils apparaissent au début du film.

Demandons d'abord aux participants s'ils se souviennent des différents types de personnages qui sont évoqués dans la scène du château. Se souviennent-ils en particulier des noms utilisés pour les désigner? Et qu'est-ce qui permet de distinguer ces différents types de personnages?

Le film présente d'abord une foule de personnages sur la terrasse du château qu'il est bien difficile de distinguer les uns des autres; mais eux-mêmes utilisent des dénominations faciles à retenir (pour au moins deux d'entre elles) les Toupins et les Pafinis et enfin les Reufs… Les premiers sont évidemment entièrement peints par le peintre du tableau, tandis que les seconds ne sont pas entièrement terminés, certaines parties de leur apparence n'étant pas peintes (comme le bas de la robe de la jeune femme qui veut monter à la terrasse du château qui sera rejetée avec mépris). Les Reufs enfin sont de simples crayonnés qui laissent voir la blancheur du papier sur lequel ils sont dessinés: une petite recherche sur Internet apprendra qu'il s'agit en fait d'un terme utilisé dans les arts graphiques (notamment la publicité) pour désigner une esquisse rapide destinée à donner au client une première impression de l'illustration qui sera réalisée ensuite (c'est en fait un terme emprunté à l'anglais, et on l'écrit de préférence rough, diminutif de l'expression rough draft qui signifie «dessin rugueux ou sommaire», c'est-à-dire un brouillon.)

Demandons ensuite aux participants quelles sont les relations entre ces personnages? S'apprécient-ils les uns les autres? Ou bien se disputent-ils? Certains sont-ils ou se croient-ils supérieurs à d'autres?

La réponse à ces questions est sans doute facile, et les participants se souviendront certainement que les Toupins se sentent supérieurs aux autres et interdisent l'accès au château où ils vivent aussi bien aux Pafinis qu'aux Reufs. On comprend donc facilement qu'il y a un «système» des personnages qui se distinguent par leur apparence mais aussi par leur situation «sociale», les uns et les autres appartenant à des groupes cloisonnés et opposés. L'enseignant ou l'animateur pourra représenter de façon schématique cette situation au tableau de la manière suivante par exemple:

Schéma 1

Un tel schéma est sans doute évident pour la plupart des adultes, mais de jeunes enfants ne sont pas nécessairement capables de saisir immédiatement le sens d'une telle représentation symbolique et encore moins d'en réaliser une. Il est donc intéressant de leur montrer comment on peut transposer sous une forme visuellement simplifiée des relations abstraites (dans ce cas-ci des relations hiérarchiques). On trouvera par la suite d'autres exemples de ce type de représentations destinées à symboliser les relations entre les différents éléments filmiques (par exemple la construction du récit).

Les personnages principaux

Le Tableau commence de façon relativement inhabituelle par l'accent mis sur des groupes de personnages. Néanmoins, des personnages plus individualisés émergent rapidement.

Demandons alors aux spectateurs s'ils se souviennent du nom des principaux personnages, ceux qu'on peut qualifier de héros. Si les noms leur échappent, suggérons-leur de décrire en quelques mots leur rôle ou leur fonction: que font ces personnages? Où vont-ils? Qui rencontrent-ils? Que leur arrive-t-il?

Beaucoup se souviendront sans doute du couple d'amoureux qui apparaît dès le début du film, un Toupin et une Pafinie, Ramo et Claire. Néanmoins, on se rappelle que les amoureux sont rapidement séparés par les événements, et que Ramo se retrouve embarqué dans un bateau avec une jeune fille Pafinie, Lola, et un Reuf appelé Plume.

Ces trois personnages vont partir à l'aventure, passer d'un tableau à l'autre et finalement découvrir l'univers du peintre qu'ils recherchent. Mais en chemin, ils vont rencontrer un nouveau personnage qui deviendra leur compagnon d'aventures, le jeune tambour qui n'aime pas la guerre, Magenta.

Les plus attentifs signaleront peut-être que Plume est en fait «accompagné» par son ami Gomme qui a été écrabouillé par les Toupins du château et qui est porté par Plume dans un petit sac.

Suggérons à nouveau de représenter les relations entre ces principaux personnages de façon schématique. On pourra notamment utiliser le bateau comme symbole du voyage et de l'aventure vécue par ces personnages:

Schéma 2
Cliquez sur l'image pour obtenir une version agrandie.

L'aventure, le voyage

Dans le schéma ci-dessus, la grande flèche horizontale symbolise le voyage que les trois ou quatre personnages principaux vont faire de tableau en tableau. Mais cette aventure, qui prend ainsi la forme d'une quête «à la recherche du peintre» est en fait plus complexe.

Après le voyage en bateau et la rencontre avec Magenta, où vont en effet les personnages principaux? Que découvrent-ils? Et quel chemin font-ils finalement? Se retrouvent-ils tous ensemble?

Il s'agit à présent de raconter l'ensemble de l'histoire du film, mais d'une manière synthétique sans se perdre dans les péripéties secondaires. Un tel résumé n'est sans doute pas facile à réaliser pour de jeunes spectateurs qui ont beaucoup de difficultés à distinguer, dans une intrigue, l'essentiel de l'accessoire et de saisir ce qu'on appelle «le fil conducteur» de l'histoire.

Pour faciliter cette prise de conscience, l'on peut donc s'appuyer sur le schéma précédent en attirant l'attention des participants sur la grande flèche horizontale qui symbolise le voyage des principaux protagonistes:

Cette flèche suffit-elle à représenter le voyage ou le parcours des quatre héros? La flèche doit-elle aller uniquement de gauche à droite? Les personnages vont-ils toujours dans la même direction? À quel moment décident-ils de revenir en arrière? Et que fait Lola à la toute fin du film?

L'histoire du film se présente comme un aller-retour: les trois personnages, Ramo, Lola et Plume, bientôt rejoints Magenta, décident de partir à la recherche du peintre qui semble cependant introuvable; mais, au cours de leurs pérégrinations, ils découvrent des tubes de peinture, et ils décident alors de revenir dans leur tableau d'origine. On peut donc représenter cet aller-retour par une double flèche, la première orientée de gauche à droite et la seconde de droite à gauche.

Enfin, la plupart des spectateurs se souviendront sans doute facilement de la fin du film qui voit Lola quitter une nouvelle fois le tableau, mais cette fois seule, rejoindre l'atelier du peintre puis en sortir par une petite ouverture: elle se retrouve alors à l'extérieur dans une prairie où se trouve le peintre avec qui elle dialogue un court instant. Finalement, elle s'éloigne et se dirige encore plus loin vers la mer… On peut ainsi schématiser la fin du film par une flèche plus fine — seule Lola s'en va — orientée de gauche à droite mais qui se prolonge plus loin que la première, au-delà donc de l'atelier du peintre:

Schéma 3
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Lieux/Tableaux/Univers

Sur le schéma précédent, on a ajouté un petit trait vertical en pointillés qui symbolise le passage de Lola à travers le mur de l'atelier du peintre: la jeune fille va plus loin que ses compagnons lors du premier «voyage» et elle franchit une limite importante, celle qui sépare l'atelier et ses tableaux du monde extérieur…

Ce détail nous amène à considérer un autre principe d'organisation, à savoir celui des différents lieux où se trouvent et par où passent les personnages. Ici aussi faisons appel aux souvenirs des spectateurs, d'abord de façon intuitive et désordonnée, puis en essayant d'organiser les lieux selon leur «nature» ou leurs caractéristiques essentielles…

Les spectateurs se souviennent-ils du lieu où débute le film? Où se trouvent les Toupins? Et les Pafinis? Et ensuite, par où partent Ramo, Lola et Plume? Quels sont les tableaux qu'on voit dans le film? Et où se trouvent ces tableaux? Dans quelle ville se rendent Ramo, Lola, Plume et Magenta? Comment y arrivent-ils et comment en sortent-ils? Et finalement où Lola trouve-t-elle le peintre?

L'enseignant ou l'animateur pourra d'abord inscrire tous ces lieux dans le désordre au tableau (par exemple sur des Post-it®, des bouts de papier autocollants). Assez naturellement sans doute, certains lieux en évoqueront d'autres: ainsi, le château du film, dont tout le monde se souviendra facilement, est réservé aux Toupins alors que les Pafinis sont refoulés dans les jardins qui sont cependant moins remarquables et peuvent être facilement négligés; semblablement, beaucoup se rappelleront le passage des trois principaux personnages à travers la forêt (dont les fleurs menaçantes se révèlent finalement protectrices), mais il faudra sans doute un petit effort de mémoire pour signaler le passage par l'espèce de désert qui les conduira jusqu'au bord du tableau.

Schéma 4
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Essayons ensuite de regrouper ces différents lieux en tenant compte de leurs principales caractéristiques. Peut-on ainsi définir des ensembles distincts où situer ces différents lieux? De façon plus concrète, demandons aux participants de mettre ensemble les éléments repris en désordre ci-dessus mais qui appartiennent au même «objet»: ainsi, certains éléments appartiennent-ils au même tableau? Et où se trouvent tous ces tableaux? En revanche, certains de ces éléments sont-ils nettement séparés? ou bien profondément différents? Venise, où se rendent les personnages principaux, et l'atelier du peintre qu'ils traversent doivent-ils être bien distingués et pourquoi?

L'enseignant ou l'animateur, ou bien un des participants avec l'aide des autres spectateurs, pourrait ainsi disposer les petits papiers autocollants au tableau en les rassemblant par «famille» et/ou en les entourant d'un trait de craie ou de feutre. De façon assez naturelle, on pourra par exemple entourer les tableaux (de peinture) d'un cadre rectangulaire; l'atelier de peinture pourra prendre la forme d'une maison, tandis que la prairie sera nettement séparée (par exemple dans un rectangle allongé) de cet atelier.

Il y aura sans doute une petite discussion à propos de Venise, car il faut une bonne mémoire pour se souvenir comment les personnages y parviennent: en fait, c'est par une fenêtre à l'arrière-plan du tableau de Garance que Lola et Ramo pénètrent les premiers dans cette ville où ils sont rejoints ensuite par Magenta et Plume. En revanche, beaucoup se souviendront sans doute de la voie originale que tous ces personnages empruntent pour quitter la ville: ils sortent par la lucarne d'une coupole qui se trouve dans l'autoportrait du peintre, et ils traversent même cette toile en se servant du manche de son pinceau! Ainsi, Venise appartient d'une certaine manière à deux tableaux en même temps!

On peut donc essayer de synthétiser tout cela de la manière suivante (même si d'autres schémas sont bien sûr possibles):

Schéma 5
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Avant de terminer cette discussion autour des «lieux» du film, il faut encore poser la question de leur «nature»:

Quelle différence voit-on par exemple entre la prairie où se trouve le peintre et la rivière où est emporté le bateau de Lola, Ramo et Plume?

Tous les spectateurs ont certainement remarqué cette différence, mais les plus jeunes auront peut-être des difficultés à la définir avec les mots exacts. Si c'est le cas, précisons donc que la rivière est «peinte», car elle appartient à un tableau (même si elle est par ailleurs animée), alors que la prairie est «réelle», filmée par une caméra (même si on y a incrusté le personnage peint de Lola…).

Venise, qu'on a évoquée précédemment, est également une ville «peinte» qui fait partie d'un tableau ou plus exactement d'un dessin animé, et ne peut pas être confondue avec la ville réelle dont beaucoup de jeunes spectateurs ont entendu parler ou dont ils ont déjà vu des images (photographiques ou cinématographiques).

On peut donc distinguer deux grands «univers», d'une part l'univers peint, celui des tableaux, et d'autre part, le monde «réel», celui de l'atelier [1], de la prairie, du peintre et de son chien. Pour distinguer ces deux univers dans le schéma précédent, l'on propose alors de mettre les tableaux en couleur et de laisser l'atelier du peintre et la prairie en noir et blanc.


1. En fait, l'atelier du peintre n'est pas un décor réel, filmé par une caméra, mais une image (ou une suite d'images de synthèse) créée par ordinateur (comme le film d'animation Shrek). Mais ces images de synthèse ont été traitées dans un style extrêmement réaliste (contrairement à Shrek volontairement caricatural) avec notamment de nombreux détails et des textures extrêmement fines qui donnent l'impression d'un décor «réel».

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