Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Linnea dans le jardin de Monet
de Lena Anderson et Christina Bjork
Suède, 1993, 30 mn
Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse notamment aux enseignants de la fin du maternel et du premier degré de l'enseignement primaire qui verront le film Linnea dans le jardin de Monet avec leurs élèves, entre cinq et huit ans environ. Il comprend notamment un rappel de la biographie de Monet, une approche générale du monde pictural, ainsi que trois activités concrètes à mener avec les enfants dans un atelier peinture. L'extrait ci-dessous présente une de ces activités.
Au départ, le peintre peut avoir des projets très divers. Selon ses intentions, il accordera la primauté à tel ou tel aspect du travail pictural. Tantôt sa recherche se portera sur les effets de couleur (comme chez les impressionnistes); tantôt ce sera la technique et les matériaux employés qui importeront (comme dans les collages dadaïstes); tantôt encore, ce sera le travail de composition qui jouera un rôle déterminant (comme dans les «inversions» surréalistes).
Les activités décrites ci-après —rendre une impression, faire surgir une idée, faire naître de nouvelles formes— correspondent ainsi à trois démarches fondamentalement différentes sur le plan des objectifs et de la technique.
Comme Monet l'exprime dans une lettre adressée à l'un des rares journalistes de l'époque qui appréciait son œuvre, «il faudrait d'abord apprendre à voir la nature, alors on pourrait voir et comprendre ce que nous voulons faire». Ainsi nous a-t-il appris à quel point le soleil, le brouillard, le vent ou la neige pouvaient transformer l'apparence des choses.
Apprendre à voir, apprendre à regarder, voilà donc la première démarche des impressionnistes dont l'objectif était de restituer moins un sujet qu'une impression visuelle éphémère.
L'activité qui suit[1] propose d'exploiter cette démarche en sensibilisant l'enfant aux variations de la nature selon la période de l'année et aux différentes visions que l'on peut en avoir selon le moment de la journée ou le temps qu'il fait. Elle a pour objectif d'amener les élèves à produire à la manière de Monet des «séries» relatives à un même paysage. Toutefois, travailler à la manière impressionniste (peindre d'après nature) impliquerait de trop nombreuses contraintes matérielles et une entière disponibilité des élèves et de l'enseignant. Nous suggérons par conséquent de débuter l'activité par un brassage d'idées, d'observations directes et de souvenirs.
Avec les élèves les plus jeunes, référons-nous aussi à des illustrations (photographies en couleur, paysages provenant de magazines touristiques ou de brochures diverses…). Dressons l'inventaire des nuances, des tonalités, des détails apparus ou disparus selon le moment ou les conditions climatiques. Tâchons de déceler les caractéristiques qui indiquent une impression de vent, de mouvement. Etudions les variations de lumière: peut-on déceler, par exemple, des éléments susceptibles de nous renseigner sur le moment de la journée auquel la photo a été prise ? etc.
Choisissons ensuite un paysage bien connu des enfants, situé à proximité de l'école ou dans un environnement familier à tout le monde —un quartier de la ville, un endroit du village ou, pourquoi pas, la cour de récréation, pour peu qu'elle soit agrémentée d'un peu de végétation— et photographions-le d'un seul ou de plusieurs points de vue différents[2]. Après quoi on veillera à faire développer ces photos dans un format suffisamment grand pour être bien «lisible» par tous, et l'on photocopiera les paysages sélectionnés de façon à ce que chaque élève possède au moins deux exemplaires du même paysage. Ces photocopies seront les plus claires possibles, de manière à conserver seulement les traits de base, tout en estompant les détails.
Partir ainsi d'une image préinscrite présente l'avantage de rassurer l'enfant en lui offrant un support qui lui permettra de garder les éléments «tangibles» du paysage original (les arbres, les buissons, la disposition d'un jardin, une maison, un toit, une cheminée…) tout en lui laissant une grande liberté dans la peinture des détails et des variations propres aux thèmes choisis. Comme procédé, nous suggérons l'usage de peintures aquarelles (bien que l'emploi de gouaches ou de pastels secs solubles à l'eau puisse également faire l'affaire). En matière de support, l'idéal serait de photocopier le paysage sur une feuille de dessin, plus rigide et plus résistante qu'une feuille de papier ordinaire.
En guise d'ultimes préparatifs, recourons à un matériel simple: préparons des pinceaux de grosseurs différentes, de vieux chiffons, de vieilles assiettes ou bacs à glaçons pour les éventuels mélanges. L'objectif sera pour chaque élève de restituer par une peinture si possible appliquée par taches plusieurs visions du même paysage en fonction de différents critères temporels (le matin / le soir - l'été / l'hiver…) et / ou climatiques (par temps de brouillard, par temps couvert, etc.).
Au terme de l'activité, chaque enfant rédigera ses propres notices, qui mentionneront ses nom, prénom, le titre qu'il a choisi pour ses «tableaux» ainsi que la date d'exécution. Au besoin, consultons une nouvelle fois le travail de Monet et relevons la terminologie employée: Meule, dégel, soleil couchant; Meule, coucher de soleil, hiver; Meule, effet de neige, le matin, Les Peupliers, effet blanc et jaune; Effet de vent, série des peupliers; Peupliers du bord de l'Epte, crépuscule; Peupliers au bord de l'Epte, temps couvert; Les Trois Arbres, printemps; les Trois Arbres, automne, etc.
Affichons, observons et commentons enfin les tableaux.
Remarquons les couleurs employées, les détails effacés ou ajoutés, les effets recherchés (l'intensité de la lumière; un effet de vent, un effet de brouillard).
Comme Monet, les enfants auront ainsi réalisé une «série» qui pourrait faire l'objet d'une exposition collective au sein de l'école.
1. Concernant les possibilités d'activités d'expression plastique, nous renvoyons aux nombreuses suggestions contenues dans le livre de Geneviève Casterman, dont nous nous sommes en partie inspirées pour rédiger ce chapitre : Geneviève CASTERMAN, Copains gribouill'arts, Bruxelles, éd. Milan, 1995.
2. Si l'activité s'avère difficile, impossible ou peu motivante, nous pourrons également prendre comme base une photographie issue d'un magazine. Certains élèves émettront par ailleurs peut-être le souhait de se référer à des photographies d'endroits qu'ils aiment particulièrement: leur jardin par exemple. Dans ce cas, ils seront amenés à consulter les albums familiaux, éventuellement à demander la collaboration d'un membre de la famille pour photographier tel ou tel endroit précis. En somme, toutes les démarches sont possibles, l'essentiel étant qu'en définitive, chaque enfant possède devant lui plusieurs reproductions photocopiées d'une même portion de paysage.