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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
La Première Étoile
de Lucien Jean-Baptiste
France, 2008, 1h30

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse d'abord aux enseignants du début du secondaire qui verront le film La Première Étoile avec leurs élèves (entre onze et quinze ans environ). Il retiendra également l'attention d'animateurs dans le cadre de l'éducation permanente qui pourront s'inspirer des animations proposées. Celles-ci seront rapidement mises en oeuvre en classe ou avec un groupe de spectateurs après la vision du film.

Des personnages de cinéma

Si l'intrigue a une certaine importance dans la Première Étoile («Jean-Gabriel réussira-t-il à tenir sa promesse?»), l'on comprend facilement qu'elle ne constitue pas un enjeu essentiel (contrairement à un film policier par exemple où nous sommes principalement intéressés par la résolution de l'énigme). En revanche, le film oriente plus particulièrement notre attention vers les personnages, même secondaires: ainsi, monsieur et madame Morgeot, qui n'ont qu'un rôle limité dans toute cette histoire, sont bien présents à l'écran et sont même interprétés par des acteurs célèbres, Bernadette Lafont et Michel Jonasz (surtout célèbre comme chanteur), peut-être peu familiers aux jeunes spectateurs mais bien connus des plus âgés. On peut sans doute parler d'un film de «personnages», dont les personnalités sont multiples, diverses, contrastées, plus ou moins surprenantes, plus ou moins attachantes, et dont l'évolution notamment prend de l'importance à nos yeux.

Une personnalité ne se révèle pas en effet d'un coup mais plutôt par de multiples détails, parfois contradictoires, qui donnent une «densité» ou une «épaisseur» à ces individus qui ne se réduisent pas ainsi à leur rôle dans l'intrigue (contrairement à un film d'aventures par exemple où les «méchants» sont bien «méchants» simplement parce qu'ils s'opposent aux projets du héros). Il est donc intéressant de revenir avec les spectateurs, notamment les plus jeunes, sur ces personnages, pour voir si leur «personnalité», nécessairement cachée en tant que telle, est bien comprise mais aussi appréciée par tous de la même manière.


En pratique

Proposons aux participants de décrire la personnalité des différents protagonistes. Il s'agira de se souvenir des séquences où apparaît le personnage retenu et de repérer des détails révélateurs de sa personnalité. Au fil des séquences, de nouveaux traits devraient apparaître qui vont confirmer le premier portrait, ou le nuancer, le contredire ou bien encore révéler son évolution.

Comme il n'existe pas de «règles» d'interprétation en ce domaine [1], il vaut sans doute mieux lancer une première discussion avec l'ensemble du groupe à propos du personnage principal, Jean-Gabriel, dont la personnalité est évidemment au centre du film. On pourra ensuite répartir les autres protagonistes entre différents sous-groupes. À l'issue de leurs débats, les différents participants pourront échanger le résultat de leurs réflexions.

Quelques questions préalables pourront néanmoins guider les discussions comme:

  • Quel objectif poursuit le personnage? quel est son but dans la vie?
  • Qu'est-ce qui lui paraît important, essentiel?
  • Qu'est-ce qui le dérange, le perturbe, l'indispose, le met mal à l'aise?
  • Quelles sont les choses qui lui paraissent secondaires, peu importantes?
  • Quelles sont ses relations privilégiées (dans la famille, parmi ses amis)?

Enfin, l'on trouvera dans les encadrés qui suivent [seul le premier d'entre eux estreproduit sur cette page web] quelques analyses qui pourront être utilisées par les participants pour nourrir leurs réflexions.


1. Psychologie, psychanalyse et psychiatrie peuvent sans doute apporter des informations importantes en ce domaine. On ne se situera cependant pas à ce niveau de scientificité ou de technicité, et l'on essaiera surtout d'éclairer les motivations moins évidentes des personnages.

 

Jean-Gabriel

Jean-Gabriel perd son boulot dès le début du film parce qu'il joue au tiercé au lieu de distribuer des dépliants pour Omo. Par ailleurs, l'on apprend bientôt qu'il souhaite devenir animateur à la radio, mais sa femme lui parle surtout d'un travail à la Poste. L'on comprend aussi qu'il y a longtemps qu'il accumule les petits boulots et les périodes sans emploi, et que c'est sa femme qui assure l'essentiel des maigres revenus de la famille. On peut donc dire qu'il a des ambitions démesurées par rapport à la réalité et notamment au marché de l'emploi environnant. Dans ce contexte, il est vraisemblable que le PMU est une forme de compensation imaginaire et chimérique à sa situation difficile: il compte sur un coup de chance pour réussir socialement, mais il laisse en fait sa femme travailler péniblement pour avoir des rentrées régulières.

Il est ainsi plus préoccupé par ses rêves personnels ‹ le PMU, la radioŠ ‹ que par les êtres qui l'entourent, notamment son fils Ludo qu'il oublie d'aller rechercher à l'école et dont il croit qu'il en est encore au stade du découpage et du coloriage alors qu'il est en CE2 (il doit donc avoir environ huit ans). Psychologiquement, on peut parler d'égocentrisme, c'est-à-dire qu'il s'intéresse plus à ses «problèmes» qu'à ceux de ses proches. Ainsi, il ne téléphone à sa mère que lorsqu'il a besoin d'elle, mais sinon il oublie de lui donner des nouvelles régulièrement.

Cela ne signifie pas qu'il vit dans sa bulle imaginaire, et il a au contraire besoin que son entourage lui renvoie une image positive de lui-même: quand Suzy affirme qu'ils n'iront pas au ski parce que c'est trop cher, Jean-Gabriel ne supporte pas de donner cette image «misérable» (dont il est en partie responsable) à ses enfants, et il prétend faussement que «le ski, c'est culturel». Mais sa promesse est inconsidérée, et il sera bientôt obligé de revenir auprès de ses enfants pour leur expliquer que ce ne sera pas possible. Il répétera pourtant aussitôt sa promesse quand il apprendra qu'un condisciple de classe a affirmé que les Noirs ne savaient pas skier! De nouveau, il réagit surtout à une question d'image (qui, dans ce cas, est effectivement raciste), ne supportant pas qu'on lui renvoie un tel stéréotype dévalorisant. Certains pourraient penser qu'il est exagérément susceptible, mais il est compréhensible que quelqu'un confronté régulièrement à un racisme fait essentiellement de clichés soit plus qu'un autre sensible à l'image que lui renvoient les autres.

La réaction de Suzy, sa femme, qui lui reproche ses promesses inconsidérées et qui refuse de partir avec lui en vacances, constitue manifestement un choc psychologique pour Jean-Gabriel qui prend conscience qu'elle pourrait le quitter. Et on le voit alors se démener pour trouver une location (grâce au cafetier du coin) puis gagner difficilement un peu d'argent. Cela ne suffit cependant pas à Suzy qui, juste avant le départ, lui affirme qu'il ne l'aide pas et qu'il ne lui apporte que des ennuis (alors que lui pense réaliser sa promesse).

L'incompréhension dans le couple est évidente, et la réussite des vacances représente une épreuve et un enjeu pour Jean-Gabriel. Si la réaction de Suzy le pousse ainsi à se transformer, il n'en continue pas moins à privilégier son propre point de vue et son intérêt personnel (dans ce cas, ne pas perdre sa femme): c'est ainsi qu'il invite sa mère en vacances, non pas pour lui faire plaisir, mais pour qu'elle s'occupe du ménage et des enfants en l'absence de Suzy! Mais là aussi, il va rencontrer un obstacle de taille, Bonne-Maman n'étant absolument pas dupe de ses manigances.

Les vacances vont alors voir alterner les hauts et les bas. Positivement, Jean-Gabriel va se rapprocher peu à peu de ses enfants ‹ il aura de vraies discussions avec Manon, il encouragera Ludo lors de l'épreuve de la première étoile, il se réconciliera, après plusieurs disputes plus ou moins graves, avec Yan ‹ il s'occupera plus ou moins activement du ménage, et les vacances seront finalement une réussite même si Bonne-Maman y jouera un rôle important; en revanche, de façon plus négative, il essaiera à plusieurs reprises d'éviter les corvées ménagères, il perdra l'argent de la location au bar PMU, il s'effondrera face aux difficultés («Je suis un bon à rien»)Š

Le bilan pourrait paraître mitigé, mais son geste le plus significatif sera finalement l'envoi de sa candidature à la Poste. Ce geste, qui lui «coûte» psychologiquement, traduit évidemment un renoncement à ses rêves (ou à ses illusions), mais révèle aussi que ceux-ci ont désormais moins d'importance que sa famille, ses enfants et sa femme en particulier. S'il «perd» du point de vue de ses rêves personnels, il «gagne» la reconnaissance et l'amour de sa famille. Suzy le rejoint bien sûr à la fin des vacances, mais on n'oubliera pas une des dernières remarques de Yan lors de la descente en luge: «Ça, c'est des souvenirs!»

L'épilogue un peu miraculeux ‹Jean-Gabriel devenu commentateur à la télévision ‹ ne doit donc pas masquer la véritable «leçon» du film, à savoir le dépassement par le personnage de son propre égocentrisme.


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