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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Ben X
de Nic Balthazar
Belgique, 2007, 1h33

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Ben X avec leurs élèves (à partir de treize ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.

Une mise en scène «autistique»

Au-delà d'un traitement original des thèmes du film, toute la mise en scène de Nic Balthazar concourt à rendre compte d'un point de vue exceptionnel, en creusant l'écart entre les faits objectifs et la manière dont ils sont appréhendés subjectivement par Ben. Un certain nombre de particularités filmiques permettent ainsi de traduire cet écart subjectif. Nous proposons que les spectateurs s'attachent maintenant aux procédés utilisés par le cinéaste pour rendre compte de la perception confuse et éclatée du monde de Ben.

Pratiquement, nous suggérons que les participants réalisent l'activité en petits groupes. Dans un premier temps, invitons-les à prendre connaissance d'une définition du syndrome d'Asperger [Non reproduit sur cette page web], principalement axée sur les caractéristiques comportementales et les difficultés de communication qu'il engendre ainsi que sur les sensations particulières ressenties par la personne qui en est atteinte lorsqu'elle entre en contact avec le monde extérieur.

À partir de cette définition, demandons-leur de répertorier un maximum de situations du film où l'on peut détecter les signes du syndrome, ou bien où Ben s'exprime à propos du handicap que lui cause ce syndrome. Encourageons-les à utiliser ensuite cet inventaire pour identifier les procédés cinématographiques utilisés par le réalisateur pour nous faire partager la manière dont Ben perçoit et appréhende la réalité extérieure.

Au besoin, orientons la réflexion par quelques questions générales:

  • d'où proviennent les différents types d'images que nous voyons dans Ben X ? autrement dit, où ces images «prennent-elles leur source»?
  • les images que nous voyons appartiennent-elles toutes à la même strate temporelle?
  • toutes les images reflètent-elles (ou représentent-elles) quelque chose de tangible, une situation réelle?
  • comment Nic Balthazar nous amène-t-il à partager les sentiments intérieurs de Ben par l'image mais aussi par le son?
  • comment nous fait-il partager les sensations que lui procurent les contacts avec le monde extérieur?
  • comment nous amène-t-il à distinguer ce qui relève du point de vue subjectif de Ben et ce qui relève d'un point de vue extérieur? Quelles sont les caractéristiques visuelles des images qui décrivent ou énoncent l'un et l'autre point de vue?
  • que peut-on dire de l'architecture générale de Ben X ?
  • etc.

Commentaires

Les commentaires qui suivent [seul le commentaire concernant l'utilisation de la figure du zoom arrière est reproduit sur cette page web] développent une interprétation parmi d'autres, qui s'appuie sur un certain nombre de caractéristiques de mise en scène observées dans Ben X. Ils se divisent en trois parties selon la finalité des procédés qu'utilise le réalisateur: traduire le point de vue et les sensations toute personnelles de Ben; combler les lacunes induites par ce point de vue étrange, restituer une cohérence globale; et enfin, traduire la complexité identitaire du jeune homme

Zoom arrière: le sens retrouvé

Il est coutume de dire en parlant d'une personne atteinte d'autisme qu'elle voit les feuilles mais qu'elle ne voit pas l'arbre, pour souligner sa capacité à remarquer une foule de petits détails, sans pour autant être capable d'identifier l'ensemble qu'ils composent.

En tant que spectateurs, nous sommes sommes donc amenés à partager une vision sans recul, parcellaire et relativement étroite de la réalité, à laquelle il nous est difficile de donner immédiatement un sens global. Néanmoins, sous peine de rendre le film définitivement inaccessible, il est indispensable qu'à un moment donné, le réalisateur nous donne les moyens de retrouver une certaine cohérence d'ensemble.

Attardons-nous un instant au tout début de Ben X , alors que le film commence dans le monde virtuel d'Archlord; tandis qu'on entend un jeune homme s'exprimer en voix off, le générique défile sur fond d'images de synthèse qui montrent des guerriers et parmi eux, un jeune homme en train de s'équiper puis de monter un cheval blanc; il traverse alors une vaste étendue au galop pour rencontrer une jeune guerrière: Scarlite. Cette séquence de générique est interrompue par de multiples flashes qui nous montrent une femme s'exprimant face caméra. En même temps, on voit apparaître dans le champ des mains pianotant sur un clavier. Enfin, à la fin de la séquence, un élargissement du champ dévoile le véritable contexte de la scène: filmé de dos, un adolescent est occupé à jouer sur son PC, intégré dans un décor rappelant l'univers virtuel d'Archlord. Ce recul de la caméra permet au spectateur de comprendre qu'en réalité, le film ne sera pas réalisé en images de synthèse mais qu'il traitera, entre autres, du rapport des jeunes aux jeux vidéo; ce mouvement de recul lui permet par ailleurs de faire l'hypothèse que la femme plus âgée et bien réelle entrevue grâce aux flashes est sans doute sa mère.

La figure du zoom arrière qui introduit le film de Nic Balthazar annonce en quelque sorte l'intention du réalisateur de jouer sur la scission entre ce qui est montré et ce qui est caché, sur la révélation, le dévoilement mais aussi sur le leurre et la possibilité d'erreur dans l'interprétation que l'on peut donner de ce que l'on voit «en surface», hors contexte et de façon morcelée. C'est grâce à cette figure récurrente du zoom arrière, utilisée au propre mais aussi au figuré lorsqu'elle prend la forme d'un élargissement du champ obtenu par un autre procédé, qu'il est permis au spectateur de donner du sens à ce qui a été partiellement montré dans un premier temps.

Notons encore que dans certaines situations, le spectateur du film est associé aux spectateurs fictionnels du drame vécu par Ben (par exemple, les personnes présentes à son enterrement ignorent également tout de la mise en scène orchestrée par Ben) et que dans d'autres, il en sait un peu plus: ainsi dès le départ, nous connaissons l'identité des deux agresseurs qui ont filmé Ben debout sur une table de la classe, contrairement au directeur de l'école ou à sa mère (avant toutefois que celle-ci découvre les images divulguées sur Internet). Dans ce dernier cas, on remarque que c'est aussi grâce à un élargissement du champ qu'est révélée à tous l'identité des agresseurs; en effet, la séquence tournée avec un peu de recul par Coppola est finalement diffusée à l'église sur grand écran, dévoilant non seulement Bogaert et Desmet en train d'agir mais aussi les autres élèves occupés à filmer la scène avec leur portable.

À l'église, lors de l'enterrement, c'est encore un élargissement du champ qui permet aux spectateurs de remarquer la présence de Ben resté dans l'ombre; en réalité, c'est lui qui projette le film de sa propre mort; sa présence, visible à tous dès le moment où il se dresse dans le faisceau lumineux du projecteur, invalide son suicide et fait percevoir toute la cérémonie des funérailles comme une vaste mise en scène destinée à interpeller l'opinion publique (l'opinion du public rassemblé dans l'église mais aussi des téléspectateurs des chaînes qui diffusent informations et reportages sur le supposé fait divers, ainsi que l'opinion des spectateurs du film même). Après cette séquence et juste avant l'épilogue du film, quelques courtes scènes montrent «les coulisses» de l'événement, autrement dit, tous les épisodes qui avaient été gommés dans un premier temps pour leurrer le spectateur et lui faire croire à un vrai suicide.


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