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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Henry V
de Kenneth Branagh
Grande-Bretagne, 1990, 2h18

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Henry V avec leurs élèves (entre treize et dix-huit ans ans environ). Contrairement à d'autres dossiers plus récents réalisés par les Grignoux, il ne contient d'animations pouvant être mises en oeuvre en classe après la vision du film. Il propose plutôt un itinéraire balisé à travers notamment le contexte historique de la pièce, le chef d'oeuvre dramatique de Shakespeare jouée pour la première fois au théâtre du Globe en 1599, et enfin l'adaptation cinématographique de Kenneth Branagh, réalisée en 1989. Il contient également de nombreux extraits de texte en anglais à destination des enseignants d'anglais (langue étrangère).

La pièce de Shakespeare
dans le contexte élisabéthain

Henry V fut joué pour la première fois au printemps 1599 au théâtre du Globe. Les deux années précédentes, un public fidèle avait pu suivre Henry IV, 1ère et 2e parties. La plupart des spectateurs avaient donc probablement fraîches en mémoire les images de la jeunesse du prince Hal, devenu «King Harry», ce qui justifie pleinement les séquences rétrospectives dans le film de Branagh. Le contraste devait être frappant entre les apparences d'amitié joyeuse et insouciante parmi des compagnons pas très à cheval sur l'honnêteté et la désolation qui accompagne la mort solitaire de John Falstaff, d'une part, la farouche détermination du roi condamnant Bardolph, convaincu de vol, à la pendaison, d'autre part.

Les trois parties de Henry VI, elles, étaient jouées depuis le début de la décennie et cela explique les paroles du chœur, à la fin de l'épilogue, parlant de ce roi qui accéda au trône à l'âge d'un an:

Whose state so many had the managing,
That they lost France, and made his England bleed:
Which oft our stage hath shown&...
«De l'état duquel tant s'occupèrent / Qu'ils y perdirent la France, firent saigner l'Angleterre / Ce que souvent notre scène a montré…»

Ce n'est pas Shakespeare qui a «inventé» l'image, et l'imagerie de Henri V roi-héros. Comme pour ses autres pièces historiques, il suit en fait de très près deux chroniques publiées également au 16e siècle, celle de Hall (1548) et celle de Holinshed (1587). Une autre pièce anonyme célébrait déjà le courage et la sagacité du vainqueur d'Azincourt. La contribution de Shakespeare, si l'on compare son texte avec ses sources, est en fait plutôt critique.

Quelles étaient les circonstances pratiques qui présidaient à une représentation théâtrale à l'époque? Les différents prologues de Henry V nous en apprennent beaucoup. Contrairement à ce qui se passera sur les scènes européennes aux siècles suivants, pas de décors, seulement différents lieux scéniques et quelques accessoires, pas de costumes non plus: l'une ou l'autre indication symbolique du rôle joué par tel ou tel acteur. Le texte devait guider l'imagination du spectateur, et dans le cas de Henry V, comme le chœur le souligne à maintes reprises, les mots ont fort à faire. Il leur faut non seulement évoquer deux pays, deux cours, des tavernes, le siège d'une ville, un champ de bataille, mais faire voir des milliers de soldats là où il n'y a que quelques figurants et surtout présenter ce roi déjà légendaire de manière digne de la gloire dont les chroniques l'ont auréolé.

Certes, la pièce de Shakespeare est un hommage. Il y apporte une magistrale contribution à la saga de la monarchie anglaise et au renforcement du sentiment national. Les nobles français sont des lâches fanfarons qui méritent la défaite infamante d'Azincourt par leur mépris pour l'armée anglaise et qui l'attirent par leur recours à des mercenaires et leur refus de tout contact avec les hommes de troupe. Henri y est bien le «miroir des rois chrétiens», par l'équilibre entre retenue et détermination, modestie et panache, dont il fait preuve dans les circonstances les plus difficiles. Mais il est aussi un être humain, soumis à tous les paradoxes et à toutes les contradictions de notre condition humaine, exarcerbés par sa condition de roi.

Résumé

Au début du 1er acte, les archevêques de Canterbury et d'Ely rappellent utilement au cours de leur conversation la transformation du jeune prince devenu roi, qui s'est détourné de ses anciens compagnons de beuverie. Ils rappellent également le contexte historique: l'agitation des Lollards et les raisons qu'ils ont, eux, d'envoyer leur prince guerroyer en France.

A la deuxième scène, le roi se fait expliquer la légitimité de ses prétentions à la couronne de France et s'assure l'aval moral et l'appui économique non négligeable de l'Eglise. Sa décision est prise avant qu'il ne reçoive les émissaires du Dauphin:

Now are we well resolved; and by God's help,
And yours, the gentle sinews of our power,
France being ours, we'll bend it to our awe,
Or break it all to pieces...
«Notre résolution est prise; avec l'aide de Dieu, / Et la vôtre, nobles agents de notre puissance, / La France étant à nous, nous la ferons plier sous le respect / Ou la mettrons en pièces...»

La plaisanterie douteuse de son cousin de France (qui lui envoie des balles de tennis) l'anime d'une colère contenue, mais ne détermine pas le cours de l'histoire.

Au 2e acte, la scène à Southampton où Henri confond les nobles qui s'apprêtaient à le trahir est encadrée par deux scènes dans la taverne de Nell Quickly. Il devrait s'agir d'un contraste comique: ces survivants des pièces précédentes, Pistol, Bardolph, Nym, par la grossièreté de leur conduite et de leur propos, sont censés égayer le spectateur. Mais si l'on rit de leur anglais, rit-on vraiment de leur misère et de leur détresse? Rit-on de la mort sans gloire du chevalier Falstaff? L'acte se termine à la cour de France, où le roi Charles VI reçoit le Duc d'Exeter, qui vient annoncer l'intention de son roi de recouvrer la couronne de France.

Le 3e acte se divise en trois parties. La première montre le siège et la reddition d'Harfleur. C'est là aussi que nous faisons la connaissance de l'officier gallois Fluellen, fort occupé, chaque fois qu'il apparaît, à commenter les événements à la lumière de la tradition militaire et de ce qu'il a lu sur «les Disciplines de la Guerre». De ridicule, il deviendra émouvant. Ensuite, nous passons à la cour de France. Catherine y apprend un anglais assez comique avec sa dame de compagnie Alice. Les courtisans se gaussent de l'armée anglaise qu'ils voient déjà en déroute, et qui en vérité est bien affaiblie et découragée. Avant que les Anglais ne se trouvent acculés à la bataille, à la fin de l'acte, Henri condamne son ancien compagnon Bardolph à la pendaison pour avoir volé un ciboire, puis refuse l'offre de rançon apportée par le héraut Montjoie.

Le 4e acte est le plus célèbre. La nuit avant l'attaque, le roi, incognito, se mêle à ses soldats. Il y entend leurs craintes et leurs doutes. Sans dévoiler son identité, il relève le pari que le roi ne se rendra pas, quelle que soit la rançon. Seul, il ressent tout le poids du pouvoir, qui le charge de la responsabilité de ses hommes et le prive de tout repos, tout cela, dit-il, pour une vaine pompe: «And what art thou, thou idol ceremony?» («Et qu'es-tu donc, apparat idolâtré?» ou «vain apparat» : «idol» et «idle» sont très proches par l'écriture et se confondent dans l'énonciation.) Après avoir montré l'impatience dans le camp français, la pièce revient à l'armée anglaise où Henri retrouve ses officiers et, juste avant l'attaque, prononce son discours du «jour de St Crépin».

Un des siens déplorant leur nombre limité, lui propose à ceux qui le veulent de se retirer et exalte leur héroïsme fraternel:

And Crispin Crispian shall ne'er go by,
From this day to the ending of the world,
But we in it shall be remembered, –
We few, we happy few, we band of brothers;
For he to-day that sheds his blood with me
Shall be my brother; be he ne'er so vile,
This day shall gentle his condition.
«Et Crépin Crépinien jamais ne passera, d'aujourd'hui jusqu'à la fin du monde, sans qu'en ce jour on ne nous commémore, – nous, peu nombreux, heureux d'être peu, poignées de frères; car qui ce jour verse son sang à mes côtés sera mon frère; si basse que soit sa condition, ce jour l'ennoblira.»

La bataille, dans le texte de Shakespeare, est immédiatement présentée comme perdue par les Français: Pistol essaie d'extorquer une rançon à un prisonnier, avec l'aide d'un page comme traducteur narquois. La victoire anglaise n'est pas sans tristesse ni sans colère: Exeter rapporte la vaillance du Duc d'York, et le roi, après Fluellen, découvre la traîtrise des Français, qui ont tué les pages qui avaient la garde des bagages. A ce moment Montjoie vient annoncer la défaite française. Une scène permet au roi de prouver au soldat sceptique du début de l'acte à quel point il avait tort.

Le 5e acte commence par la scène comique dans laquelle Fluellen et un autre officier obligent l'ignoble Pistol à déguster un poireau gallois pour s'en être moqué. La deuxième scène présente la cour française au moment où un traité de paix (en fait le traité de Troyes, 1420) va être signé. Le Duc de Bourgogne a consacré bien des efforts à rendre possible cette rencontre entre les deux princes. L'acte et la pièce se terminent par la délicieuse scène où le jeune roi fait la cour à Catherine de Valois. Leur union devrait assurer à leur fils de porter les deux couronnes de France et d'Angleterre.

Photo du film


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