Nos amis les animaux

Objectifs

Pom le poulain d'Olivier Ringer a pour personnage principal... un jeune poulain. Le fait est à la fois banal et intriguant : nous sommes en effet habitués, notamment grâce à de nombreuses réalisations — films, mais aussi histoires, dessins animés, albums illustrés... — à destination des enfants, à ce que les animaux soient les héros de multiples aventures mais aussi qu'ils parlent, réfléchissent, aient des sentiments et des émotions et agissent plus ou moins comme des êtres humains; mais, par ailleurs, nous savons bien, comme adultes, que toutes ces histoires sont pour une large part des fictions et que le sort réel des animaux est bien différent de celui raconté dans ces multiples réalisations. Les hommes traitent nombre d'animaux comme de simples objets (notamment dans les élevages) sinon comme des êtres nuisibles à exterminer (c'est le cas des rats et des souris mais aussi de nombreux insectes).

À travers un film comme Pom le poulain, il est ainsi intéressant de s'interroger avec les enfants sur la place et le statut des animaux dans notre société et dans le monde en général. Cette question ne pourra cependant pas recevoir de réponse simple, et l'objectif de l'animation proposée sera plutôt de faire prendre conscience aux jeunes participants — même si c'est de façon sommaire — de la diversité des attitudes possibles à l'égard des animaux : notre société est en effet divisée par rapport à cette problématique, et si certains animaux sont effectivement ravalés au rang d'objets de consommation (qu'il s'agisse du bétail destiné aux abattoirs ou des poissons pêchés en mer), d'autres sont traités avec considération et même avec amour (c'est le cas en particulier de nombreux animaux de compagnie). Semblablement, si la chasse est une activité largement pratiquée, et la corrida un spectacle prisé par de nombreux Français et Espagnols, on compte dans les populations occidentales une proportion sans doute bien plus grande d'« amis des animaux» dont quelques-uns prétendent même aujourd'hui que ceux-ci ont les mêmes droits que les êtres humains.

Le rôle de l'enseignant n'est sans doute pas d'imposer son propre point de vue en la matière, mais plutôt d'amener les enfants à prendre une distance critique par rapport à leurs représentations spontanées (qui ont évidemment été forgées par quantité de films, dessins animés, albums illustrés et émissions télévisées) et à considérer d'autres opinions que la leur. Bien entendu, un tel objectif ne peut pas se réaliser en quelques heures et doit s'inscrire dans l'ensemble de la scolarité : le statut des animaux fait aujourd'hui l'objet de nombreuses analyses dans des domaines aussi différents et complexes que la philosophie, l'anthropologie, l'éthologie ou encore l'écologie, qui ne sauraient certainement pas être abordées dans l'enseignement primaire.

L'objectif de l'animation sera donc ici de mener avec les enfants une première réflexion sur les ressemblances et les différences entre les animaux et l'être humain : il s'agira notamment de mettre l'accent sur la diversité du règne animal qui ne se résume pas à quelques espèces comme les animaux familiers, les chiens, les chats ou... les chevaux.

En pratique

Annonçons d'abord l'objectif de l'activité : nous voudrions savoir si les animaux réagissent comme nous, pensent comme nous, ont des sentiments et des émotions comme nous...

LE FILM

Pour lancer cette réflexion, appuyons-nous d'abord sur le film que l'on vient de voir Pom le poulain. Comment savons-nous que Pom a des sentiments ? Et quels sentiments a-t-il ? Comment comprend-on que Mirabelle est également triste d'être séparée de son jeune poulain ?

Pour éviter des réponses trop générales, passons en revue une série de scènes précises :

• au tout début du film, Pom va fouiller dans une musette et en sort des tartines ;
• Julien emmène Mirabelle dans le camion pour la vendre ;
• Pom regarde le camion qui s'en va ;
• Mirabelle s'arrête de tirer la roulotte quand elle aperçoit un poulain dans un pré ;
• Pom refuse de boire au biberon que Julien lui a préparé ;
• Patrick frappe Pom couché à l'écurie ;
• Julien, qui ne parvient pas à dormir, va se coucher auprès de Pom ;
• le vétérinaire vient voir pourquoi Pom est malade ;
• pendant la nuit, Mirabelle casse la branche où elle est attachée, et elle s'enfuit ;
• Mirabelle retrouve Pom à l'enclos provisoire dans la forêt ;
• Pom se retrouve embourbé dans une tourbière ;
• Mirabelle a retenu le 4X4 de Patrick au bord du précipice.

On ne répondra pas ici dans le détail à toutes les questions que posent ces différentes scènes, puisqu'on veut laisser la parole aux enfants à ce propos. On dégagera simplement quelques réflexions générales qui pourront guider les interventions de l'enseignant et servir éventuellement de synthèse à la discussion.

Les animaux dans Pom le poulain ne parlent pas: ils ne peuvent donc pas exprimer ce qu'ils ressentent, et c'est par leurs différents comportements que nous pouvons deviner leurs sensations et émotions éventuelles. Ainsi, il nous est très facile de comprendre que Pom a faim, ou qu'il est gourmand, puisqu'il est attiré par la nourriture qu'il sent dans la musette.

Pour interpréter ces comportements, nous nous appuyons cependant sur nos propres états internes — sensations et émotions — que nous projetons sur l'animal: il nous semble que Pom est malheureux d'être séparé de sa mère parce que nous-mêmes le serions dans la même situation. Nous pensons donc qu'un animal comme un cheval a le même genre de réactions internes que nous.

Le comportement animal n'est cependant pas toujours facile à interpréter, et nous devons en général connaître l'ensemble de la situation où apparaît ce comportement pour pouvoir le comprendre correctement: quand le vétérinaire ausculte Pom malade, il ne parvient pas immédiatement à poser un diagnostic, et ce n'est qu'en parlant avec Julien qu'il peut affirmer que le jeune poulain se laisse mourir parce qu'il a été séparé trop jeune de sa mère.

Nos interprétations sont donc nécessairement incertaines, hypothétiques, plus ou moins fragiles... Nous prêtons peut-être aux animaux des sensations, des sentiments ou des pensées qu'ils n'ont pas: ainsi, quand Mirabelle retient le 4X4 de Patrick au bord du précipice, elle ne cherche sans doute pas à sauver la vie du jeune homme (comme semble le dire Julien peu après) mais surtout à ne pas être entraînée avec lui dans le vide.

Il faut ainsi distinguer trois grands types dans les états internes que nous attribuons aux animaux:

• les sensations: nos sensations sont, comme leur nom l'indique, produites par nos organes de sens (vue, ouïe, goût, odorat, toucher), et il est donc vraisemblable que les animaux qui possèdent des organes similaires ont des sensations semblables: personne ne doute que les yeux d'un cheval lui permettent de voir ce qui l'entoure. On ajoutera cependant aux sensations produites par nos sens dirigés vers l'extérieur nos sensations internes qui signalent souvent un dysfonctionnement: ça peut être une sensation de faim (comme celle qu'éprouve Pom), une migraine, un mal de dos...
• les émotions et sentiments: nos émotions et sentiments sont des réactions indirectes à une situation externe qui est soumise à une transformation ou à une interprétation interne: Pom voit qu'on emmène Mirabelle, et il y réagit par de la tristesse. Alors que la sensation est la même pour tous (on voit la même chose, on entend la même chose...), les émotions qu'elle entraîne peuvent être différentes: Julien est triste comme Pom, mais Patrick se réjouit... On remarquera également que certains sentiments n'ont pas de cause extérieure immédiate: je peux être triste sans savoir pourquoi... alors que la sensation est toujours produite par quelque chose.
• les pensées: de manière savante, on dira que la pensée est la capacité à mettre en relation des représentations mentales; de façon plus simple, c'est la capacité de se souvenir, de prévoir des événements, de comprendre le monde qui nous entoure mais également d'agir de façon efficace en fonction de notre environnement... Ainsi, la réaction de Mirabelle qui retient le 4X4 au bord du précipice suppose que la jument anticipe au moins sa propre chute, et cherche bien sûr à l'éviter. D'un point de vue scientifique cependant, nous ne savons pas réellement ce qu'est la pensée dont les définitions, les conceptions et les limites varient aujourd'hui selon les spécialistes concernés. Une caractéristique essentielle de la pensée humaine réside cependant dans l'instrument qu'elle utilise, à savoir la langue qui permet notamment de nommer les choses, de manipuler des idées, de les communiquer et de les transmettre à autrui...

On peut résumer tout ceci de la façon suivante:

Cette analyse très générale ne doit cependant pas masquer des phénomènes beaucoup plus précis qui interviennent dans notre compréhension spontanée du comportement animal et auxquels les enfants seront certainement sensibles: ainsi, lorsque Julien emmène Mirabelle dans le camion, nous comprenons immédiatement la réaction de Pom à travers son regard et son attitude tendue à la barrière (la caméra fixe d'ailleurs l'œil du poulain pratiquement en gros plan). Et c'est de nouveau par le regard que nous comprenons la tristesse de Mirabelle quand elle s'arrête pour contempler un autre poulain dans une prairie au bord de la route. Des comportements comme le rapprochement — ou au contraire la fuite — sont également transparents et traduisent des sentiments (amour/peur) dont l'interprétation est immédiate.

le regard de l'animal

D'autres comportements sont en revanche plus difficiles à juger ou même à observer. Ainsi, Julien explique au patron dans le camion que les chevaux travaillaient mieux quand Mirabelle était là parce qu'avec elle, dit-il, «ils étaient rassurés». Julien connaît certainement bien les chevaux et il est habitué à observer leurs réactions, ce qui lui permet de voir des choses qui échappent à la plupart des autres hommes; mais il est également plus difficile de juger si cette interprétation est vraie, vraisemblable ou tout à fait hypothétique.