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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Le Vent se lève — The Wind that Shakes the Barley
de Ken Loach
Grande-Bretagne, 2006, 2 h 04

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Le Vent se lèveavec leurs élèves (entre quatorze et dix-huit ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.

Pourquoi ce film-là aujourd'hui?

Les jeunes spectateurs peuvent être sensibles au film de Ken Loach et néanmoins ne pas en percevoir l'actualité. En effet, cette lutte pour l'indépendance du pays est dépassée et, à première vue, ne concerne plus grand monde. Pourtant, le discours de Ken Loach, tenu autour du festival de Cannes, évoque l'actualité. Ainsi, on a pu entendre à la télévision ou lire dans la presse des propos du réalisateur et de son scénariste Paul Laverty.

Le lecteur du WEB peut se reporter à plusieurs interviews données par Ken Loach et disponibles sur Internet. Par exemple, sur le site du Festival de Cannes :

Comme on le voit dans ces déclarations, Ken Loach fait explicitement des liens entre le passé et le présent. Invitons maintenant les spectateurs du film à interroger celui-ci, pour dégager quelques éléments précis de l'Histoire à mettre en rapport avec d'autres situations de conflit.

Dégager le message du film

Que dit le film des relations entre les Irlandais et les Britanniques à cette époque? Comment pourrait-on résumer cette page d'Histoire, en se basant sur ce que dit le film? Quels étaient les enjeux de cette guerre d'occupation? Quelles étaient les conséquences de cette guerre?

Invitons les spectateurs à répondre à ces questions en s'appuyant sur des scènes du film. Cette réflexion peut être menée oralement au sein de groupes de quelques spectateurs et suivie d'une mise en commun.

Commentaire

Voici quelques caractéristiques que l'on peut dégager.

La pauvreté des Irlandais / la richesse des Britanniques

Le film évoque à diverses reprises la différence de niveaux de vie des deux populations en présence. La pauvreté des Irlandais est montrée notamment dans les scènes suivantes:

  • La ferme où a lieu la violente agression des Black-and-Tans après le match de hockey et que l'on verra à de nombreuses reprises, est une habitation très modeste, sans confort aucun, au sol de terre battue; plus tard, elle sera incendiée, ce qui aggravera encore la situation des habitants.
  • Une femme vient chercher Damien : son fils est malade, elle voudrait qu'il l'examine. Le diagnostic de Damien est facile: l'enfant est affamé.
  • Les rebelles ont enlevé Sir John et Chris, ils les emmènent loin dans la campagne. Ils sont accueillis chez des paysans qui vivent dans une cabane et leur préparent une soupe.
  • Les rebelles s'entraînent avec des crosses de hockey en guise de fusils.
  • Les messagers des rebelles se déplacent à vélo, à cheval, à pied...

Quant à la richesse des Britanniques, elle est montrée notamment dans les scènes suivantes:

  • La maison de Sir John, le gros propriétaire britannique, est une villa très cossue. Il emploie pas mal de personnel (notamment Chris qui n'ose pas entrer dans le bureau de peur de salir le tapis...)
  • Lorsque les soldats britanniques entrent dans le pub et réquisitionnent le billard, un homme au bar murmure qu'ils sont payés une livre par jour pour faire ce qu'ils font.
  • Les soldats britanniques sont bien équipés en armes et en véhicules.

Le mépris des Britanniques pour les Irlandais

Les Britanniques et les Irlandais ne partagent pas la même croyance (les uns sont anglicans, les autres catholiques) et les premiers donnent l'impression de se sentir supérieurs et de mépriser les seconds pour cette raison.

  • Lors de la violente agression des Black-and-Tans après le match de hockey, ceux-ci traitent les Irlandais de «crétins de catholiques».
  • Quand les rebelles font irruption chez Sir John, celui-ci déclare: «Je plains l'Irlande, si elle est un jour dirigée par vous», à quoi Damien répond: «Vous feriez bien de vous faire à cette idée»; Sir John s'exclame alors plein de haine: «Des eaux stagnantes infestées de prêtres!»
  • Juste avant son exécution, Sir John déclare avec arrogance «Vous ne nous battrez jamais!»

La violence arbitraire des Britanniques vis-à-vis des Irlandais

Des deux points précédents (supériorité économique objective et supériorité spirituelle subjective des Britanniques) découlent sans doute l'arrogance et la violence des Britanniques.

  • On ne peut qu'être frappé par la violence des Black-and-Tans après le match de hockey: ils surgissent par surprise, rappellent une règle édictée par eux qui interdit tout rassemblement et utilisent ce prétexte pour soumettre tous les hommes à un interrogatoire humiliant: ils doivent se placer contre le mur, comme des criminels que l'on vient de prendre sur le fait, donner leur nom et leur adresse, répondre en anglais aux questions, se déshabiller, et ils sont tenus en joue. Micheail qui s'obstine à répondre en gaélique par provocation est froidement assassiné...
  • Après la veillée en l'honneur de Micheail, les hommes font le bilan des morts récentes: manifestement, Micheail n'est pas le seul exemple d'exécution arbitraire.
  • On assiste (avec Damien) à une scène de violence aussi arbitraire sur le quai de la gare où les soldats britanniques s'en prennent au chef de gare et au conducteur du train.
  • Au pub, les soldats britanniques réquisitionnent le billard autoritairement; comme si les Irlandais étaient des citoyens de seconde zone, qui n'ont pas les mêmes droits que l'occupant...
  • En représailles à l'assassinat des soldats au pub, les Britanniques font régner la terreur dans la ville, en mitraillant dans les rues, en surgissant avec violence dans les maisons pour les fouiller.

L'appropriation des richesses irlandaises par les Britanniques

Ce point n'est pas évoqué de manière directe dans le film, mais bien à travers les discours de Damien et de Dan.

  • Emprisonnés, Damien et Dan font connaissance. Ils évoquent ensemble un discours de Connoly qui les a marqués tous deux: «si on plante le drapeau irlandais au sommet du château de Dublin, il faut que cela soit pour une république socialiste, sinon l'Irlande sera toujours dominée économiquement par l'empire». Ils laissent donc entendre que la Grande-Bretagne exploite économiquement l'Irlande.
  • Après la signature du traité, les républicains et les nationalistes s'opposent. Pour les républicains, le nouvel «état libre d'Irlande» qui reste un dominion de l'empire britannique, ne sera pas indépendant économiquement: il continuera à être exploité par la grande puissance voisine. C'est une des raisons pour lesquelles ils préconisent de continuer la lutte.
  • Le contraste entre la grosse propriété de Sir John et les pauvres habitations des Irlandais montre de manière indirecte que les Britanniques se sont enrichis au détriment de la population locale.

Une guerre fratricide

Conséquences du traité: les Britanniques quittent le pays, le nouvel état libre reste sous domination de la Grande-Bretagne, les six comtés du Nord font partie intégrante du Royaume-Uni. Cette situation de compromis un peu boîteux va provoquer une guerre civile entre les partisans du traité (les nationalistes ou état-libristes) qui se satisfont de ce compromis pour que la violence cesse et par crainte d'une guerre (perdue d'avance?) avec la Grande-Bretagne et les opposants (les républicains) qui ne tolèrent pas la domination de la grande île voisine et la scission de l'Irlande en deux.

  • Cette rupture entre les deux camps est bien montrée dans différentes scènes (notamment le débat après la signature du traité) et la deuxième partie du film expose comment le combat des Irlandais contre l'occupant se transforme en un combat comparable entre républicains et nationalistes (les mêmes scènes sont rejouées: entraînement, vol d'armes, exécution,...).

 

On pourrait dès lors résumer la situation en ces termes: une puissance étrangère, supérieure sur les plans économique, technique, militaire (supériorité dont elle tire un sentiment de supériorité humaine) occupe un pays pour l'exploiter économiquement, s'oppose à la population dans un conflit violent, qui engendre à son tour un cycle de luttes intestines.


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