Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux
enseignants du secondaire qui verront le film Le Vent se lèveavec leurs
élèves (entre quatorze et dix-huit ans environ). Il contient plusieurs
animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après
la vision du film.
Pourquoi ce film-là aujourd'hui?
Les jeunes spectateurs peuvent être sensibles au film de Ken Loach
et néanmoins ne pas en percevoir l'actualité. En effet, cette lutte pour
l'indépendance du pays est dépassée et, à première
vue, ne concerne plus grand monde. Pourtant, le discours de Ken Loach, tenu autour du
festival de Cannes, évoque l'actualité. Ainsi, on a pu entendre à la
télévision ou lire dans la presse des propos du réalisateur et de
son scénariste Paul Laverty.
Le lecteur du WEB peut se reporter à plusieurs interviews données par Ken
Loach et disponibles sur Internet. Par exemple, sur le site du Festival de
Cannes :
Comme on le voit dans ces déclarations, Ken Loach fait
explicitement des liens entre le passé et le présent. Invitons maintenant
les spectateurs du film à interroger celui-ci, pour dégager quelques
éléments précis de l'Histoire à mettre en rapport avec
d'autres situations de conflit.
Dégager le message du film
Que dit le film des relations entre les Irlandais et les Britanniques
à cette époque? Comment pourrait-on résumer cette page d'Histoire,
en se basant sur ce que dit le film? Quels étaient les enjeux de cette guerre
d'occupation? Quelles étaient les conséquences de cette guerre?
Invitons les spectateurs à répondre à ces questions
en s'appuyant sur des scènes du film. Cette réflexion peut être
menée oralement au sein de groupes de quelques spectateurs et suivie d'une mise en
commun.
Commentaire
Voici quelques caractéristiques que l'on peut dégager.
La pauvreté des Irlandais / la richesse des Britanniques
Le film évoque à diverses reprises la différence de
niveaux de vie des deux populations en présence. La pauvreté des Irlandais
est montrée notamment dans les scènes suivantes:
- La ferme où a lieu la violente agression des Black-and-Tans après le
match de hockey et que l'on verra à de nombreuses reprises, est une habitation
très modeste, sans confort aucun, au sol de terre battue; plus tard, elle sera
incendiée, ce qui aggravera encore la situation des habitants.
- Une femme vient chercher Damien : son fils est malade, elle voudrait qu'il l'examine.
Le diagnostic de Damien est facile: l'enfant est affamé.
- Les rebelles ont enlevé Sir John et Chris, ils les emmènent loin dans
la campagne. Ils sont accueillis chez des paysans qui vivent dans une cabane et leur
préparent une soupe.
- Les rebelles s'entraînent avec des crosses de hockey en guise de fusils.
- Les messagers des rebelles se déplacent à vélo, à cheval,
à pied...
Quant à la richesse des Britanniques, elle est montrée
notamment dans les scènes suivantes:
- La maison de Sir John, le gros propriétaire britannique, est une villa
très cossue. Il emploie pas mal de personnel (notamment Chris qui n'ose pas entrer
dans le bureau de peur de salir le tapis...)
- Lorsque les soldats britanniques entrent dans le pub et réquisitionnent le
billard, un homme au bar murmure qu'ils sont payés une livre par jour pour faire
ce qu'ils font.
- Les soldats britanniques sont bien équipés en armes et en
véhicules.
Le mépris des Britanniques pour les Irlandais
Les Britanniques et les Irlandais ne partagent pas la même croyance
(les uns sont anglicans, les autres catholiques) et les premiers donnent l'impression de
se sentir supérieurs et de mépriser les seconds pour cette raison.
- Lors de la violente agression des Black-and-Tans après le match de hockey,
ceux-ci traitent les Irlandais de «crétins de catholiques».
- Quand les rebelles font irruption chez Sir John, celui-ci déclare: «Je
plains l'Irlande, si elle est un jour dirigée par vous», à quoi
Damien répond: «Vous feriez bien de vous faire à cette
idée»; Sir John s'exclame alors plein de haine: «Des eaux stagnantes
infestées de prêtres!»
- Juste avant son exécution, Sir John déclare avec arrogance «Vous
ne nous battrez jamais!»
La violence arbitraire des Britanniques vis-à-vis des Irlandais
Des deux points précédents (supériorité
économique objective et supériorité spirituelle subjective des
Britanniques) découlent sans doute l'arrogance et la violence des
Britanniques.
- On ne peut qu'être frappé par la violence des Black-and-Tans
après le match de hockey: ils surgissent par surprise, rappellent une règle
édictée par eux qui interdit tout rassemblement et utilisent ce
prétexte pour soumettre tous les hommes à un interrogatoire humiliant: ils
doivent se placer contre le mur, comme des criminels que l'on vient de prendre sur le
fait, donner leur nom et leur adresse, répondre en anglais aux questions, se
déshabiller, et ils sont tenus en joue. Micheail qui s'obstine à
répondre en gaélique par provocation est froidement
assassiné...
- Après la veillée en l'honneur de Micheail, les hommes font le bilan des
morts récentes: manifestement, Micheail n'est pas le seul exemple
d'exécution arbitraire.
- On assiste (avec Damien) à une scène de violence aussi arbitraire sur
le quai de la gare où les soldats britanniques s'en prennent au chef de gare et au
conducteur du train.
- Au pub, les soldats britanniques réquisitionnent le billard autoritairement;
comme si les Irlandais étaient des citoyens de seconde zone, qui n'ont pas les
mêmes droits que l'occupant...
- En représailles à l'assassinat des soldats au pub, les Britanniques
font régner la terreur dans la ville, en mitraillant dans les rues, en surgissant
avec violence dans les maisons pour les fouiller.
L'appropriation des richesses irlandaises par les Britanniques
Ce point n'est pas évoqué de manière directe dans le
film, mais bien à travers les discours de Damien et de Dan.
- Emprisonnés, Damien et Dan font connaissance. Ils évoquent ensemble un
discours de Connoly qui les a marqués tous deux: «si on plante le drapeau
irlandais au sommet du château de Dublin, il faut que cela soit pour une
république socialiste, sinon l'Irlande sera toujours dominée
économiquement par l'empire». Ils laissent donc entendre que la
Grande-Bretagne exploite économiquement l'Irlande.
- Après la signature du traité, les républicains et les
nationalistes s'opposent. Pour les républicains, le nouvel «état
libre d'Irlande» qui reste un dominion de l'empire britannique, ne sera pas
indépendant économiquement: il continuera à être
exploité par la grande puissance voisine. C'est une des raisons pour lesquelles
ils préconisent de continuer la lutte.
- Le contraste entre la grosse propriété de Sir John et les pauvres
habitations des Irlandais montre de manière indirecte que les Britanniques se sont
enrichis au détriment de la population locale.
Une guerre fratricide
Conséquences du traité: les Britanniques quittent le pays,
le nouvel état libre reste sous domination de la Grande-Bretagne, les six
comtés du Nord font partie intégrante du Royaume-Uni. Cette situation de
compromis un peu boîteux va provoquer une guerre civile entre les partisans du
traité (les nationalistes ou état-libristes) qui se satisfont de ce
compromis pour que la violence cesse et par crainte d'une guerre (perdue d'avance?) avec
la Grande-Bretagne et les opposants (les républicains) qui ne tolèrent pas
la domination de la grande île voisine et la scission de l'Irlande en deux.
- Cette rupture entre les deux camps est bien montrée dans différentes
scènes (notamment le débat après la signature du traité) et
la deuxième partie du film expose comment le combat des Irlandais contre
l'occupant se transforme en un combat comparable entre républicains et
nationalistes (les mêmes scènes sont rejouées: entraînement,
vol d'armes, exécution,...).
On pourrait dès lors résumer la situation en ces termes:
une puissance étrangère, supérieure sur les plans économique,
technique, militaire (supériorité dont elle tire un sentiment de
supériorité humaine) occupe un pays pour l'exploiter économiquement,
s'oppose à la population dans un conflit violent, qui engendre à son tour
un cycle de luttes intestines.