Un recueil d'analyses réalisées par le centre culturel Les Grignoux et consacrées à
Cinéma et éducation à la santé
Depuis plusieurs années, le centre culturel les Grignoux mène des actions dans le domaine de l'éducation à la santé en relation avec le cinéma. C'est dans cette perspective notamment qu'ont été conçues et réalisées une série de fiches consacrées à des films récents pouvant susciter dialogue et réflexion autour de différents thèmes de santé. Chacune de ces fiches propose des pistes pour une animation pouvant être mise en œuvre rapidement après la vision du film choisi avec un groupe de participants.
Ces fiches rédigées notamment en collaboration avec Alain Douiller (responsable jusqu'en juin 2004 de l'Ades du Rhône et depuis lors du Comité Départemental d'Éducation pour la Santé [CODES] du Vaucluse) ont été publiées à intervalles réguliers dans la revue La Santé de l'Homme. Elles sont rassemblées ici dans l'ordre inverse de leur publication (de la plus récente à la plus ancienne). Les liens ci-dessous renvoient à chacune de ces fiches.
Note d'intentionLes mots "cinéma" et "éducation à la santé" peuvent sembler contradictoires aux yeux de nombreuses personnes : le cinéma — qu'on le conçoive comme lieu de plaisir, septième art, regard porté sur la réalité ou encore école de la liberté, tel que l'illustre si vivement François Truffaut dans les 400 coups — n'aurait rien à voir avec un projet d'éducation nécessairement à la recherche de "bons" modèles de comportement à imiter ou même à imposer... L'éducation à la santé ne se réduit cependant pas à ce schéma caricatural. Elle vise sans doute à transformer (de façon plus ou moins importante) des comportements, des valeurs ou des attitudes (avec toute l'imprécision que véhiculent ces termes dans le langage courant) susceptibles de nuire à la qualité de vie des individus ou de la collectivité. Mais tous ceux qui ont un peu d'expérience en ce domaine savent qu'une telle transformation ne peut pas se faire de manière autoritaire. Vivant en démocratie, les publics visés (jeunes ou adultes) sont en effet très conscients de leurs droits et rejettent facilement tout ce qui leur apparaît comme une atteinte à leurs libertés. En outre, les intervenants sont (ou devraient être) conscients des effets "pervers" d'interventions mal menées : l'interdiction suscite l'attrait, la stigmatisation entraîne (au moins pour certains) la fascination, la "leçon de morale" provoque l'indifférence, l'ironie ou le mépris, etc. Les intervenants sont donc confrontés à une double problématique : comment agir de manière efficace (ou du moins de manière conforme aux intentions affichées) ? et au nom de quoi agir ? [1] Education et cinémaNous pensons que le cinéma peut jouer un rôle éducatif, non pas du tout en ce qu'il proposerait des bons "modèles" de comportement ou des expériences de vie remarquables, mais dans la mesure où, étant objet d'échange, de communication, il permet d'ouvrir un espace de dialogue démocratique : le cinéma nous émeut, nous donne à penser, nous offre un point de vue sur le monde, traduit une expérience humaine qui nous fascine ou nous révolte, et permet donc d'ouvrir un dialogue avec d'autres spectateurs, d'échanger avec eux impressions, sentiments ou réflexions. En même temps, l'on se rend bien compte que, pour qu'il y ait échange et discussion, il faut que les participants aient les moyens d'échanger, d'exprimer et de mener une réflexion. De ce point de vue, l'animateur doit certainement jouer un rôle important en donnant aux participants les moyens d'un véritable échange (ou en fixant les règles d'un tel échange). Mais les participants ne s'engageront vraiment dans un tel échange que s'ils ont l'impression que leur avis est réellement pris en compte. C'est donc en ce sens que l'on considérera ici le cinéma comme moyen d'échange dans un dialogue démocratique. Cette définition peut néanmoins paraître très limitative d'un point de vue éducatif : parler, c'est bien, mais n'est-ce pas un peu court ? Sans doute, mais il ne s'agira pas seulement d'exprimer une opinion personnelle à propos d'un film ou d'une situation mise en scène dans un film (ce qui est bien sûr légitime), mais de parvenir — idéalement — à un véritable travail sur soi et éventuellement sur les autres. Plusieurs voies paraissent possibles :
Toutes ces démarches sont évidemment risquées : expliciter l'implicite peut conduire à une sorte de psychanalyse sauvage; permettre une expression personnelle soumet l'individu au jugement d'autrui (en particulier à un jugement dépréciatif en dehors de l'espace apparemment pacifié du groupe sous la conduite d'un animateur); user du cinéma comme exemple imaginaire peut n'amener qu'une réflexion superficielle, faite de bons sentiments, qui n'engage pas véritablement les participants ni ne révèle d'enjeux personnels; enfin, l'on sait que nombre de débats ne sont que des dialogues de sourds qui n'empêchent nullement les participants de continuer à camper sur leurs positions de départ... Mais ces risques sont inhérents à toute action éducative : il faut donc prendre la mesure du risque, préparer soigneusement l'intervention et puis évaluer les effets de cette intervention afin d'éventuellement la modifier. En outre, l'on s'aperçoit facilement qu'utiliser le cinéma dans une telle perspective éducative suppose que cette action s'inscrive dans un contexte plus large : il ne suffit évidemment pas de voir un film puis d'en discuter pendant une heure pour transformer mentalités et comportements... Évoquer des problèmes personnels ou relationnels, décrire et interpréter cette situation, chercher enfin des solutions ou des propositions de modification, tout cela ne se fait pas en un jour et suppose sans doute une action à long terme où devraient s'impliquer de nombreux intervenants. De la théorie à la pratique...Les différentes fiches proposées ici espèrent correspondre aux intentions que l'on vient d'expliciter. Il faut cependant en indiquer immédiatement les limites. Les auteurs de ces fiches se sont essentiellement basés sur leur expérience d'animateurs pour les rédiger, mais ils n'ont pas toujours eu l'occasion de les expérimenter en situation réelle : ces fiches présentent donc le plus souvent des suggestions d'animation qui devront être adaptées en fonction des objectifs de chacun... et des résultats sur le terrain. On remarquera à ce propos qu'un certain nombre d'animations proposées s'adresse à un jeune public (généralement en contexte scolaire) : il faudra éventuellemment adapter ces animations à d'autres publics. Par ailleurs, il faut souligner que la rédaction de ces fiches a débuté en 1997. Certaines d'entre elles sont donc datées, soit parce que le contexte a changé (on pense notamment à la problématique du sida), soit parce que la pensée des auteurs a évolué. Nous n'avons cependant pas cherché à actualiser ces textes qui étaient étroitement liés à l'actualité filmique, et nous avons préféré les reproduire tels quels, dans leur ordre de publication, en rappelant leur date de rédaction. Le lecteur voudra donc bien tenir compte de ces différentes remarques au cours de sa lecture. [1] cf. par exemple dans le domaine de l'éducation à la santé le numéro de la revue La Santé de l'homme, n°345 consacré à la question : « L'éducation pour la santé est-elle éthique ? » |