Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Oliver Twist
de Roman Polanski
Grande Bretagne / France, 2005, 2 h 10
Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du primaire qui verront le film Oliver Twist avec leurs élèves (entre huit et douze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.
Roman Polanski est un cinéaste réputé, mais il peut paraître difficile (et peut-être peu pertinent) d'analyser ce travail avec de jeunes élèves sans disposer de notions de technique cinématographique, ni d'appareils de visionnement comme les lecteurs dvd. En outre, une comparaison entre le roman original de Dickens et le film qu'en a tiré Polanski est presque impossible avec des enfants qui commencent à lire.
Il est cependant possible d'attirer l'attention des jeunes spectateurs sur certains aspects filmiques importants en se basant essentiellement sur les impressions qu'ils auront gardées de la projection, sans entrer dans une analyse technique du travail de réalisation cinématographique. C'est en tout cas l'objectif des deux animations proposées ici qui devraient pouvoir être mises en oeuvre dans des classes du primaire (et a fortiori du début du secondaire) : la première porte sur la dimension ironique du film et la seconde sur le travail de reconstitution de Roman Polanski. [Seule la première partie de cette animation est rerpoduite sur cette page WEB]
L'histoire d'Oliver Twist est évidemment dramatique même si elle se termine bien (du moins pour Oliver...). Mais, à plusieurs reprises, l'on devine l'ironie du cinéaste [1] qui montre certains personnages (parfois certains événements) sous un jour comique : bien entendu, les personnages eux-mêmes — en tant que personnages de la fiction — n'ont absolument pas conscience de cette dimension comique et se prennent généralement très au sérieux. Sans doute beaucoup d'enfants ne connaissent pas la notion d'ironie. On commencera donc par leur demander si, dans ce film assez sombre, ils ont perçu des moments comiques qui leur donnaient envie de rire ou de sourire . On trouvera ci-contre une liste d'événements qui pourra être parcourue avec eux afin de leur rafraîchir la mémoire. Bien entendu, les participants pourront donner des avis nuancés, car tout le monde ne perçoit pas l'ironie de la même manière.
Ensuite, on analysera l'une ou l'autre de ces scènes pour essayer d'en comprendre l'ironie : il s'agira essentiellement de faire comprendre aux enfants que les personnages sont eux très sérieux (parfois ils vivent un drame réel), mais que nous, nous percevons la scène comme comique parce que caricaturale, exagérée, bizarre, excessive, ... Il y a donc deux niveaux distincts, celui des personnages de la fiction et celui où nous nous situons comme spectateurs et qui est également celui de l'auteur du film (dans ce cas Roman Polanski). En passant de l'un à l'autre, le sens ou la valeur des événements change, passant de dramatique (ou sérieux) à comique (ou ironique).
1. L'ironie est tout à fait présente dans le roman de Dickens, mais Roman Polanski a fait le choix esthétique de la conserver et même de l'accentuer. C'est ce choix qui nous retiendra ici.
Quelques événements à apprécierComment as-tu ressenti les épisodes suivants d'Oliver Twist ? Est-ce que tu as ressenti cela comme comique ou pas du tout ?
|
Quelques commentairesLes quelques commentaires ci-dessous mettront surtout l'accent sur le travail d'invention cinématographique de Polanski plutôt que sur l'invention romanesque de Dickens (plus facilement analysable par les enseignants). 1. La suffisance proche de la bêtise des personnages est évidente. Le jeu des acteurs (par exemple, le visage sévère, presque patibulaire, du chef d'atelier), leur attitude hautaine (les responsables de l'hospice profondément assis dans leurs fauteuils) accentuent cette impression. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 2. L'anecdote est chez Dickens, mais Polanski ajoute ce regard que le jeune Oliver jette dans le lit vide (une espèce de baquet) de son voisin : c'est donc lui qui est promis à être mangé ! [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 3. La caméra vient se placer à hauteur du chef de salle (avec son chapeau haut-de-forme tout cabossé) et plonge sur le petit Oliver qui semble alors tout écrasé par la perspective. La réaction du chef de salle est quant à elle tout à fait surprenante, car, plutôt que de répondre à Oliver, il le frappe aussitôt sans même proférer un seul mot. Sa réaction est aussi grotesque que démesurée. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 4. Une musique grave, presque pompeuse accompagne M. Bumble qui se rend au conseil de l'hospice. Ceux-ci sont devant un plantureux repas et se scandalisent de la demande d'Oliver. La scène est coupée juste après la remarque d'un des responsables sur la pendaison future d'Oliver ! La coupe fait « résonner » cette phrase et en souligne l'absurdité ! [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 5. Le ramoneur explique qu'il met le feu en dessous de ses apprentis pour les faire sortir de la cheminée, comme si c'était tout à fait naturel ! La gêne qu'on ressent chez les responsables de l'hospice qui le laissent dire sans réagir révèle alors leur hypocrisie. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 6. C'est un détail — macabre — propre au film. Le personnage est évidemment caricatural. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 7. Le croque-mort est manifestement terrifié par sa femme. Toute son attitude en témoigne. C'est un faible qui n'osera jamais la contredire même lorsqu'elle a manifestement tort. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 8. L'attitude de Mme Sowerberry est ici exagérée : non seulement elle se plaint de l'ingratitude d'Oliver, mais elle est affalée dans son fauteuil comme si elle venait de mener un combat extrêmement violent. Lorsqu'elle exigera alors que son mari punisse Oliver, il fera une grimace (comique) qui révélera à la fois son malaise et son incapacité à résister à son épouse. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 9. M. Bumble commence par dire que c'est à cause de la viande... sans préciser quoi. Puis il ajoute que c'est la trop bonne nourriture qui a perverti Oliver. Le ton sérieux du personnage ajoute évidemment au ridicule de son propos. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 10. L'aisance avec laquelle procède le « Coquin » est remarquable. Son costume d'adulte sur un corps d'enfant rajoute à l'étrangeté du personnage. C'est une scène légère, presque comique dans un film par ailleurs assez sombre. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 11. Le personnage semble très fier de lui et déclare : « je m'ai coupé mais je l'ai arrêté ». Il fait ensuite un geste en direction de M. Brownlow pour lui signifier qu'il attend sa récompense. Il paraît aussi stupide et ridicule que la foule déchaînée qui s'est mise à poursuivre sans véritable raison le pauvre Oliver. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 12. Le geste du juge qui jette aussitôt la carte de M. Brownlow révèle la suffisance du personnage. Ensuite, il réussit à chaque fois à retourner la situation en sa faveur (et surtout en défaveur de M. Brownlow) en lançant les accusations les plus fantaisistes contre les uns ou les autres. Le jeu de l'acteur avec sa bouche dont les coins tirent vers le bas souligne l'aspect caricatural du personnage. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 13. Toby Crackit tranche par sa bonne humeur apparente avec le sinistre Bill Sykes. Il adresse en outre de constants clins d'oeil et des sourires en coin à Oliver chaque fois qu'il prend un des ustensiles de sa profession. Son gilet rouge, ses bottes de couleur fauve, ses cheveux roux le rendent en outre très voyant. C'est un personnage excentrique, « flamboyant » et légèrement comique. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 14. L'attitude du chien est réellement étonnante et a dû faire l'objet d'un véritable travail de mise en scène : il s'enfuit d'abord vers le fond de l'écran d'où on n'aperçoit plus que sa tête qui dépasse ; puis il revient vers Bill Sykes qui l'appelle avec insistance, mais, loin de se laisser faire, il mord dans la corde et se débat de toutes ses forces avant finalement de s'enfuir pour de bon. Et Bill doit renoncer à son sinistre projet. L'attitude du chien si soupçonneux, si intelligent, contraste évidemment avec le caractère féroce qu'on lui a connu (ou attribué) jusque-là. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 15. Une nouvelle fois, Toby réagit de façon excentrique en soulignant à sa manière le côté comique de la situation, alors que tous les autres personnages semblent à ce moment terrorisés. Quand Bill Sykes arrivera, il ira s'asseoir dans on fauteuil en croisant de façon voyante les jambes comme s'il était tout à fait à l'aise et de bonne humeur. Le geste paraît une nouvelle fois (légèrement) comique. [Cliquez ici pour remonter au texte principal.] 16. Le choix du chapeau assez ridicule (mais aussi des lunettes) est
sans doute ironique : c'est sans doute la première fois que l'on devine chez
le cinéaste une certaine distance par rapport à son héros qui a
été montré jusque-là comme gentil, aimable, vertueux,
obéissant, ou, en un mot, parfait. Devenu un parfait gentleman, Oliver est sans
doute trop parfait pour qu'on ait envie de lui ressembler : comment oublier par
ailleurs les autres enfants, moins vertueux peut-être que le héros, mais
condamnés à une misère sans fin ? Mais il ne s'agit là
que d'une « touche » ironique qui est à peine perceptible et
qui sera rapidement effacée par la visite dramatique à Fagin en prison.
Pour le spectateur un tant soit peu critique, l'image finale d'Oliver et de M. Brownlow
dans la calèche apparaîtra de la même manière comme une
« fausse » fin heureuse : le bonheur final de ces deux seuls
personnages masque difficilement l'impression terrible ressentie tout au long du
film. |