Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Le Mécano de la General
de Buster Keaton et Clyde Bruckman
USA, 1926, 1 h 18
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du primaire qui verront le film Le Mécano de la General avec leurs élèves (entre neuf et onze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.
Pourquoi Buster Keaton s'est-il intéressé à cet épisode historique ancien? Et comment le traite-t-il dans son film?
La question du «pourquoi?» est fort difficile, notamment pour les jeunes spectateurs. En revanche, il est facile de décrire la manière dont Keaton utilise l'histoire: il cherche à faire rire le spectateur alors qu'il s'agissait à l'origine d'un épisode dramatique ou héroïque (selon les points de vue)...
Essayons donc de préciser avec les enfants ce que Keaton ajoute aux faits historiques dans un but comique. Souvenons-nous par exemple de la scène de l'enrôlement: est-ce qu'à leur avis, les choses se sont passées comme ça? Qu'est-ce que Keaton invente1 à ce moment pour rendre son film comique?
La réponse est assez évidente: ce sont les gags, ce sont tous les stratagèmes qu'invente Johnnie Gray, le personnage incarné par Buster Keaton, pour parvenir à se faire enrôler... Autrement dit, le principal facteur comique de cette séquence est constitué par le personnage de Johnnie Gray. Proposons alors aux jeunes participants de comparer ce personnage central aux autres plus secondaires du film: quelles différences peut-on observer?
Les réponses sont assez faciles: Johnnie Gray a un peu l'apparence d'un clown, et il se distingue de ce fait des autres personnages très sérieux. Il est le seul à vouloir s'engager par amour alors que les autres le font par patriotisme; mais il n'a rien d'un «héros» (il est plus utile comme mécanicien) et il est méprisé par les autres. Par la suite, il se lancera à la poursuite des voleurs de la «General», mais son action sera souvent maladroite — ce qui nous fait rire —, même s'il parvient finalement à libérer Annabelle. Pour cela, il prendra cependant des risque insensés comme quand il se cache sous la table des officiers nordistes: il en fait «plus» qu'un héros normal, mais c'est bien sûr encore une fois pour nous faire rire...
L'enseignant pourra alors tirer la conclusion de ces quelques remarques en proposant aux participants l'interprétation suivante:
Ce qui intéresse sans doute Keaton dans cet événement historique dramatique, c'est de pouvoir faire intervenir un personnage de clown, un clown qui ne sourit jamais mais qui contraste avec le sérieux des autres personnages. Face à l'héroïsme de cette période, Keaton propose un anti-héros qui agit non pas par patriotisme mais par amour, un personnage qui est même méprisé par les autres hommes mais qui se révélera finalement plus héroïque et plus débrouillard qu'eux.
On retiendra donc de cette première analyse essentiellement les termes de contraste et de anti-héros, deux concepts qui trouveront bien sûr à s'appliquer à beaucoup d'autres films. Ce qu'on peut résumer ainsi:
L'histoire | Le personnage de Johnnie Gray |
---|---|
Une époque dramatique Des personnes héroïques Un climat sérieux Des enjeux essentiels: la guerre, la mort, la bravoure, la survie de la patrie Un combat collectif (Sudistes contre Nordistes) |
Un personnage qui fait rire, qui agit par amour, qui en fait «trop» (trop audacieux, trop volontaire...) qui agit le plus souvent seul, qui est méprisé par les autres hommes (jusqu'à son triomphe final) |
Le film s'appelle le Mécano de la General, et un intertitre précise en outre que Johnnie Gray n'avait que deux amours dans sa vie Annabelle et... sa locomotive! Celle-ci joue donc un rôle essentiel dans le film comme d'ailleurs dans l'histoire authentique.
Mais ici aussi, quelques questions suffisent à apercevoir le rôle très particulier que le cinéaste Buster Keaton fait jouer à cette machine:
Ici aussi, l'enseignant pourra faire quelques remarques. La machine sert à Keaton de partenaire principal[1] comme si elle était un vrai personnage: elle est à la fois énorme, puissante, en mouvement et sans conscience; elle ne pense évidemment pas mais elle se met facilement en mouvement un peu comme un être vivant qui n'obéit qu'imparfaitement au mécano... C'est donc le contraste entre le personnage et la machine (ou plus exactement les machines), qui permet la fabrication de nombreux gags. Il utilise en particulier la capacité des machines — une fois qu'elles ont été mises en marche — à fonctionner toutes seules sans intervention humaine. Dans le Mécano de la General, l'homme, Johnnie Gray n'est pas tout à fait maître de la machine.
[1] mais pas unique: dans la séquence de l’enrôlement, il utilise comme partenaires de ses gags les autres personnages, pleins de sérieux et de gravité.