Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les grignoux et consacré au film
El Bola
d'Achero Mañas
Espagne, 2001, 1h28
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du début du secondaire qui verront le film El Bola avec leurs élèves (entre onze et quinze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en oeuvre en classe après la vision du film.
Les activités proposées ici invitent les jeunes spectateurs du film à produire des interprétations autour de certaines scènes avec l'objectif de dégager un sens implicite à ces scènes, à atteindre un autre niveau de lecture.
Demandons aux enfants s'ils ont repéré différents moments du film où il est question de la mort (voir la fiche pour l'élève).
Nous avons relevé ceux-ci:
Expliquons aux enfants:
Dans un film, rien n'est laissé au hasard; c'est le réalisateur qui choisit tout: les acteurs, les décors et bien sûr l'histoire qu'il va raconter.
Et demandons-leur:
Alors, à votre avis, pourquoi le réalisateur Achero Mañas a-t-il voulu que la mort soit si souvent évoquée dans son film? Qu'est-ce que cela signifie?
Pour essayer de répondre à cette question, on peut se demander ce qu'apporte au film chaque scène où il est question de la mort. Invitons les enfants à réfléchir à cette question et à essayer de dégager «un faisceau de significations» autour de toutes ces évocations de la mort.
Voici quelques interprétations que l'on peut faire autour des scènes qui évoquent la mort. On peut soumettre ce texte aux jeunes spectateurs du film, après qu'ils aient eux-mêmes cherché un sens à cette répétition du thème de la mort.
Les interprétations suivantes correspondent-elles aux leurs?
[1] On peut voir ici une erreur de scénario. En effet, le frère de Pablo est mort avant la naissance de celui-ci. Pablo ne peut donc avoir aucun souvenir de l'enterrement de son frère. Mais on peut aussi penser que Pablo a tellement de rancoeur par rapport à sa famille qu'il imagine que l'enterrement de son frère devait être nul.
Quelques réflexions à propos d'El Bola1. Quand Pablo et ses copains jouent sur les voies de chemin de fer, ils risquent vraiment leur vie; et ils le savent puisqu'ils savent qu'un «grand» s'est fait tuer l'année précédente en jouant à ce jeu. Cette scène nous apprend que Pablo n'a pas peur de mourir (ou alors cette peur est moins forte que le désir de défier ses copains). On peut imaginer qu'il accorde peu de valeur à la vie. Cela induit une différence importante entre Pablo et Alfredo. Celui-ci refuse de jouer à ce jeu idiot. Au-delà du jeu avec les copains, il y a donc deux choix opposés: risquer ou ne pas risquer sa vie 2. La famille de Pablo vit dans le souvenir de son frère, mort dans un accident de voiture. Il semble que les parents ne se soient jamais remis de ce décès. Pablo, qui n'a jamais connu son frère, se dit qu'il devait être nul, parce que son père le compare toujours à lui. On peut imaginer différentes choses par rapport à cela: peut-être que les parents de Pablo ont eu un deuxième enfant pour «remplacer le premier», qui est mort. Mais comme Pablo n'est pas le même enfant, son père est déçu C'est peut-être pour ça, qu'il est aussi sévère et violent avec lui. On peut aussi penser que Pablo a tellement de rancoeur par rapport à son père, qu'il reporte sa haine sur le frère préféré en déclarant qu'il était nul De toute manière, cette scène nous donne des indications diffuses sur le climat et la psychologie de cette famille. 3. José va aller voir Félix à l'hôpital mais Alfonso refuse de l'accompagner. «J'en ai marre de voir mes copains mourir» dit-il. Ainsi, plusieurs copains de José et d'Alfonso sont morts. On apprendra plus tard que Félix est malade du sida. On sait que l'épidémie de sida a surtout touché les homosexuels, à une époque où la maladie n'était pas bien connue, où on ne savait pas comment elle se propageait et où les gens ne s'en protégeaient pas On peut donc imaginer que la famille d'Alfredo connaît des personnes homosexuelles. (Quand Alfredo refuse de jouer au jeu sur les voies de chemin de fer, Cobeta le provoque en disant qu'il a peur parce qu'il est pédé, comme son parrain) Le fait que la famille d'Alfredo connaisse des homosexuels et ait choisi un homosexuel comme parrain pour Alfredo est le signe d'une tolérance que tout le monde n'a pas. Par contre, José refuse que son fils l'accompagne, bien que Félix soit son parrain. On peut imaginer que José pense qu'il faut protéger son fils d'une expérience très pénible puisque, manifestement, Félix est en phase terminale José est sévère et fait ce qui lui semble bon pour son enfant. 4. Alfredo et Pablo sont allés voir Félix à l'hôpital, en cachette. Alfredo regrette d'y avoir été: il aurait préféré ne pas voir Félix dans cet état-là. Les deux garçons parlent de la mort. Pablo voudrait être incinéré et que ses cendres soient jetées n'importe où, mais pas dans une de ces tombes «dégueulasses». Alfredo, lui ne croit pas en Dieu, puisqu'il ne change jamais le cours des choses: il laisse mourir Félix comme il laisse tomber la pierre qu'Alfredo vient de jeter dans l'eau On dirait que Pablo accepte mieux la mort qu'Alfredo. Alfredo souffre d'avoir vu agoniser Félix la mort est un événement nouveau pour lui alors que pour Pablo, la mort signifie le pèlerinage annuel ennuyeux au cimetière, la souffrance de ses parents qui préféraient son grand frère, Pablo n'a pas du tout la même expérience de la mort, il semble presque blasé. 5. Quand son père lui interdit de revoir la famille d'Alfredo, Pablo dit tout bas «pourvu que tu crèves». Pablo souhaite-t-il vraiment la mort de son père? Probablement pas, mais ces mots, très durs, sont à la mesure des coups que Pablo reçoit de son père. Et on peut comprendre que Pablo soit aussi violent en paroles. Dans le même temps, le père de Pablo l'empêche de faire ce qu'il veut et imaginer son père mort, c'est faire disparaître l'obstacle à la réalisation de son désir (continuer à fréquenter Alfredo et sa famille). 6. Pablo rejoint Alfredo et sa famille auprès de Félix qui est mort. Il assiste ainsi au regroupement des amis et vient manifester son soutien à Alfredo. Il appréhende ainsi la douleur et le chagrin d'un groupe de personnes qui se donnent des marques d'affection pour se réconforter. Il déclare que «l'enterrement de son frère, c'était nul», pourtant il n'y a pas assisté puisqu'il est né après. Il imagine donc que la mort de son frère n'a pas donné lieu au même genre de manifestation que la mort de Félix. On comprend ainsi que Pablo fait une très grande différence entre sa famille et celle d'Alfredo. Même lors du décès d'un être cher, sa famille à lui n'est à la hauteur de celle d'Alfredo. 7. Quand il apprend que son fils et Pablo se rendent sur les voies de chemin de fer pour jouer à ce jeu très dangereux, José se fâche sur les deux garçons. En gros, son message est qu'il ne faut pas jouer avec sa vie, elle est trop précieuse, trop courte. La mort très récente de Félix ajoute encore à son sentiment. Cette scène marque bien le contraste qu'il y a entre les adultes comme José, qui sont bien conscients que la vie a beaucoup de prix, et les enfants qui ne sont pas encore maîtres de leur destin et qui ne mesurent pas tout ce qu'il y a à perdre à perdre la vie. José attire aussi l'attention sur le fait que la mort de quelqu'un cause un très grand chagrin aux proches de la personne («Si tu te fais tuer, tu me tueras et tous ceux qui t'aiment!»). Jouer avec sa vie, ça ne concerne pas que soi mais aussi tous les proches. Cette phrase peut avoir une résonance particulière pour Pablo: s'il mourait, ses parents souffriraient, ce qui est peut-être ce qu'il désire mais la famille d'Alfredo souffrirait aussi, et ça, Pablo ne le désire pas. 8. «La prochaine fois que tu vois ces gens, je t'arrache la tête!», «pourvu que tu crèves!» Cet échange entre le père de Pablo et son fils a lieu au cours de la scène la plus violente du film. Son père va battre très violemment Pablo et il pourrait bien le tuer. Mais en paroles déjà, chacun souhaite la mort de l'autre. C'est sans doute là l'expression la plus violente de la haine. Et c'est d'autant plus difficile à accepter que cet échange se produit entre père et fils. Pour vouloir la mort de l'autre, il faut que l'autre représente un obstacle considérable. Aussi, l'on peut comprendre Pablo que son père empêche de vivre sa vie de garçon de douze ans, de grandir, etc. Quant au père, ses motivations sont beaucoup plus difficiles à comprendre. |