Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au dessin animé
Les Enfants de la pluie
de Philippe Leclerc
France, 2003, 1h20
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants de la fin du primaire qui verront le film Les Enfants de la pluie avec leurs élèves (entre neuf et douze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en oeuvre en classe après la vision du film.
Le dessin animé les Enfants de la pluie est bien sûr une fiction qui met en scène un monde et des êtres imaginaires, les Hydross et les Pyross. En cela, ce film se distingue d'autres réalisations qui se déroulent dans un univers connu - par exemple une grande ville occidentale - même si l'histoire racontée est quant à elle inventée - par exemple un récit policier -. La plupart des spectateurs considéreront sans doute que les Enfants de la pluie relève du genre fantastique ou de la science-fiction dont les récits se déroulent à des époques futures (ou indéterminées) et en des lieux souvent éloignés ou inconnus. La grande part d'invention dans le genre fantastique ne nous empêche cependant pas de participer à l'action racontée, de nous identifier plus ou moins intensément aux personnages et de vibrer aux rebondissements de l'action.
Il est sans doute intéressant de s'interroger avec les jeunes spectateurs sur le rôle et la place que joue la fiction dans les Enfants de la pluie, d'une part en déterminant tout ce qui nous sépare de l'univers représenté dans ce dessin animé, d'autre part en relevant les points communs entre ce monde et le nôtre, qui nous permettent en définitive de nous y retrouver ou de nous y reconnaître. Cette première animation se déroulera donc en deux étapes, la première consistant à mesurer l'écart de la fiction et la seconde à retrouver sous l'apparence de la fiction la part de réalité qui est semblable à la nôtre. [Seule la première étape de cette animation est reproduite ci-dessous sur cette page WEB.]
L'animation peut débuter par une réflexion individuelle (avec éventuellement une expression écrite) sur le monde représenté dans les Enfants de la pluie: en quoi se distingue-t-il du nôtre? en quoi est-il différent? Pour faciliter la réflexion, l'on peut demander aux participants d'envisager les domaines suivants:
Après un moment de recherche individuelle, les participants pourront échanger le fruit de leurs réflexions et essayeront de lister de manière détaillée l'ensemble de leurs observations.
Certaines réponses sont sans doute évidentes, et tout le monde se souviendra des différences frappantes entre les Hydross et les Pyross, mais il est sans doute plus difficile de répertorier tout ce qui distingue ces deux races des êtres humains que nous sommes: il y a bien sûr le fait que les Hydross ne peuvent supporter le feu, ni les Pyross la moindre goutte d'eau, mais cela implique par exemple que les Pyross se «lavent» les mains en les frottant au-dessus de la braise et qu'ils ne mangent que de la viande cuite (de «klütz») tandis que les Hydross se nourrissent de fruits et sans doute de légumes.
La couleur de peau et de cheveux distingue ces deux «espèces» entre elles mais également des êtres humains «ordinaires»; les Pyross possèdent en outre une crête sur la tête (le dossier de presse qui accompagne le film précise qu'il s'agit d'un cartilage) et, pour certains, se couvrent la face de peintures voyantes mais soignées. La transformation des Hydross en statues à la saison sèche est quant à elle tout à fait singulière même si elle peut faire penser lointainement à certains phénomènes biologiques comme l'hibernation des loirs ou des marmottes. L'existence d'une «pierre-soleil» à l'intérieur de leur poitrine est également une particularité étonnante qui fait des Hydross une race tout à fait à part.
Beaucoup de ces particularités sont bien sûr liées au monde dans lequel vivent ces êtres et qui est marqué par une alternance brutale de la saison sèche et de la saison des pluies. Les paysages, s'ils rappellent des paysages connus - les déserts pour la ville des Pyross, les régions tempérées pour le monde des Hydross -, sont eux aussi fortement marqués par ce contraste des saisons. On se souviendra par ailleurs que les espèces animales qui vivent sur cette terre sont différentes de celles que nous connaissons et se rapprochent plus des dinosaures que des mammifères qui sont actuellement dominants dans notre monde.
Moins évidentes mais néanmoins significatives sont les particularités du mode de vie et des relations sociales chez les Hydross et les Pyross. Dans les deux cas, l'on peut parler de sociétés archaïques ou du moins anciennes, antérieures - de notre point de vue - à la révolution industrielle. Ainsi, la seule force motrice est apparemment celle des hommes et des animaux sur lesquels se déplacent Pyross et Hydross; et l'unique «technologie» avancée dont ils disposent est, semble-t-il, celle du «plasma», cet explosif qui sert à détruire les statues: on remarquera d'ailleurs la propriété étonnante de ce produit qui explose au chant des Gulines ou des sifflets des Pyross alors que les explosifs que nous connaissons réagissent à la chaleur ou au choc. La cité des Pyross, Orfalaise, à moitié naturelle et à moitié artificielle (elle a l'air d'avoir été construite dans une montagne), impressionne néanmoins par ses dimensions, son organisation et certaines particularités techniques comme ces grandes portes de métal ou cette énorme plate-forme qui s'avance au-dessus du vide.
Archaïque, la société des Pyross est également fortement hiérarchisée, soumise à l'autorité d'un conseil dominé lui-même par Razza qui est à la fois un chef politique (qui décide en particulier de la guerre) et religieux (il préside au culte du soleil). Chevaliers et écuyers, qui se lancent à la recherche des «pierres-soleil», rappellent quant à eux leurs homologues du moyen-âge occidental. Les rôles selon le sexe apparaissent dans ce contexte comme nettement différenciés, les hommes s'occupant de la politique et de la guerre, tandis que les femmes sont cantonnées à un rôle domestique, manifestement subordonné. En revanche, il règne dans le monde de Hydross une douce anarchie, chacun s'occupant à son gré, l'essentiel de leur temps étant consacré, semble-t-il, au loisir: il n'y a pas de hiérarchie marquée, et les hommes et les femmes entretiennent à première vue des relations égalitaires.
L'activité artistique des Hydross est néanmoins importante puisqu'ils doivent réaliser les innombrables sculptures auxquelles ils se mêleront pendant la saison sèche; on n'oubliera pas non plus leur cité, Amphibole, au décor raffiné, complexe, et qui ne ressemble sans doute à rien de ce que nous connaissons. Enfin, leurs costumes étrangement collants leur donnent une apparence de saltimbanques, qui les oppose nettement aux Pyross porteurs notamment de lourdes armures.
À la fin de ce premier travail d'observation, l'on pourra demander aux participants d'essayer de définir le genre du film - film de science-fiction, film fantastique, conte, légende... - et surtout de justifier leur choix. La plupart des jeunes spectateurs s'accorderont vraisemblablement sur l'appartenance des Enfants de la pluie au genre fantastique: ce genre se caractérise en effet par le fait que le monde représenté obéit à d'autres «lois naturelles» que le nôtre et qu'il peut donc s'y produire des événements que nous jugerions impossibles dans notre «réalité». Ainsi, l'on peut penser que les Hydross et les Pyross sont trop éloignés des êtres vivants tels que nous les connaissons pour être jugés vraisemblables et qu'ils relèvent donc bien du fantastique.
Cette catégorisation peut cependant susciter des discussions dans la mesure où le fantastique est souvent associé à des formes plus ou moins accentuées d'horreur avec la présence de créatures menaçantes comme les vampires ou les fantômes; certains préféreront sans doute ranger les Enfants de la pluie dans la science-fiction qui met en scène un univers différent et éloigné temporellement du nôtre, mais qui partage néanmoins avec lui des lois naturelles fondamentales comme le partage entre le rêve et la réalité, l'absence d'ubiquité (les créatures ne peuvent pas se trouver à deux endroits en même temps) ou le caractère inéluctable de la mort (qui est une loi fréquemment «transgressée» par le fantastique).
Il n'est évidemment pas nécessaire de trancher cette question mais seulement de prendre conscience du fait qu'un film comme les Enfants de la pluie ne se contente pas d'inventer des histoires (comme le ferait un film d'action ou d'aventures) et crée également des êtres naturels profondément originaux, modifie également certaines lois naturelles de notre monde (comme l'alternance des saisons), invente enfin un univers dont les décors, l'atmosphère, les créatures diffèrent plus ou moins profondément de tout ce que nous connaissons habituellement.