Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au dessin animé
Sindbad
de Karel Zeman
Tchécoslovaquie, 1971-74, 1h10
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du maternel qui verront le dessin animé Sindbad avec leurs élèves (entre trois et six ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en oeuvre en classe après la vision du film.
- Les enfants sont installés en cercle dans un espace dégagé de la classe, ou regroupés autour d'une grande table; l'enseignant prend place parmi eux
- Les seize illustrations qui constituent la seconde série de photogrammes [ces images se trouvent dans le dossier impimé et ne sont pas reproduites sur cette page WEB] sont découpées. Les douze premières sont placées au centre de l'espace dégagé.
La plupart des contes de fées bien connus des enfants s'inscrivent dans un contexte occidental médiéval. Le dessin animé de Karel Zeman est donc l'une des rares occasions, pour les tout jeunes spectateurs, de découvrir quelques traits de la culture orientale arabo-musulmane.
L'enseignant commencera par dire aux enfants que dans Sindbad, on peut voir toutes sortes de choses que l'on voit pas chez nous, ou qui ne sont pas comme chez nous, qui ne se font pas comme chez nous, et il leur donnera l'occasion d'exprimer spontanément leurs premiers commentaires à ce sujet. Les îles, la végétation (jungle, cocotiers, cactus) et les animaux (les singes, les hippopotames, les tigres, les requins, les coraux) vus dans le dessin animé indiquent clairement que le récit s'inscrit dans un autre milieu géographique que le nôtre. Ces différences les plus visibles seront certainement évoquées au cours de cette première discussion. On pourra ensuite poursuivre l'animation en expliquant aux élèves que l'on va maintenant essayer de trouver tous ensemble d'autres différences en regardant des images du film. Ces images circuleront librement de mains en mains, tandis que l'enseignant attirera l'attention des enfants sur les choses à observer: les détails architecturaux (colonnades, motifs de décoration, formes découpées, arrondies, dômes), les costumes des hommes, des femmes, du Sultan (vêtements, couvre-chefs, chaussures), les bateaux (matière, forme, voiles), l'équipement des soldats (armes, costume)...
Par ailleurs, on aidera les enfants à remarquer les détails qui montrent des coutumes différentes. Par exemple, la façon de porter des objets (grandes jarres portées sur la tête), la manière de se déplacer (le prince hindou, installé sur le dos d'un éléphant d'apparat), etc.
Tous les indices observés seront notés au fur et à mesure par l'enseignant, qui en donnera une synthèse orale avant de clôturer l'exercice par une observation générale: il y a des détails qui indiquent une simple différence d'époque (la façon dont sont conçus les navires en bois, qui se déplacent grâce à de grandes voiles, l'équipement des soldats du Sultan: bouclier, flèches et arcs à flèches) tandis que d'autres indiquent une différence de culture: les formes et la décoration des bâtiments (ou encore la façon de s'habiller, de porter les objets) notamment montrent par contre que nous sommes «ailleurs», dans une partie du monde qu'on appelle l'Orient. Ce sera ici le moment d'évoquer les Mille et Une Nuits, contes orientaux auxquels appartiennent Sindbad, mais aussi deux autres histoires généralement bien connues des enfants: Aladin et la lampe merveilleuse et Ali Baba et les quarante voleurs. L'enseignant apportera éventuellement quelques informations à propos de ces contes, en se référant au texte encadré présenté en page 13 [du dossier imprimé].
Les quatre illustrations restantes représentatives quant à elles de motifs orientaux récurrents dans le film (le ciel, avec le soleil, la lune, ) et de ses caractéristiques graphiques (encadrement ornemental de l'image, univers enfantin semblable à celui des miniatures persanes pour représenter la nature: coloris, formes, traits non-réalistes) feront enfin l'objet d'une observation attentive.
Pour prolonger l'animation, l'enseignant pourra apporter en classe toutes sortes de choses qui illustrent ou qui évoquent l'Orient: des photographies, des peintures ou des miniatures, des objets à regarder, de la musique à écouter, des épices à goûter (poivre, cannelle, clous de girofle, gingembre, safran, muscade, gousse de vanille), des parfums à sentir (de l'essence de Santal, du jasmin ), du tissu à toucher (par exemple de la soie). Cette découverte purement sensorielle de l'univers oriental permettra aux enfants de se faire une certaine représentation de la culture arabo-musulmane, et par ailleurs, de se rendre compte que beaucoup de choses qui nous sont familières aujourd'hui proviennent des pays orientaux (les épices en sont certainement l'exemple le plus frappant: tous les enfants, si jeunes soient-ils, ont certainement déjà vu et goûté au moins du poivre ou de la vanille).
Aux plus grands, on pourra demander d'effectuer en partie cette recherche eux-mêmes en apportant en classe des «matériaux» témoignant de l'apport oriental dans notre culture. Sans doute n'auront-ils aucun mal à trouver des épices à la maison, peut-être même de vieux morceaux de soie, l'un ou l'autre parfum ou un livre d'art, voire des objets rapportés de voyage. L'enseignant veillera ici à énumérer tout ce qu'ils pourront apporter à faire voir, goûter, sentir ou toucher. Son rôle sera de compléter le stock de matériaux, surtout dans les domaines plus difficiles, comme celui de la musique par exemple. (On retiendra entre autres la suite symphonique de Rimski Korsakov intitulée «Shéhérazade, Opus 35», directement inspirée des Mille et Une Nuits, et notamment des aventures de Sindbad).
Sur le plan des illustrations picturales, l'enseignant attirera l'attention des élèves sur les décors orientaux (les palais, les villes), les motifs (croissant de lune, soleil, les motifs floraux) et les coloris utilisés (doré, pourpre).
Comme finalité à cette découverte sensorielle, on pourra demander aux élèves de créer une ambiance orientale en utilisant tous les matériaux apportés en classe et maintenant regroupés sur une grande table. On veillera à y ajouter de la poudre dorée (ou de simples stylos dans lesquels on aura placé une cartouche d'encre dorée).
Pour cette activité de création, l'enseignant fournira aux élèves une grande feuille de papier cartonné, qui servira de support pour rendre cette atmosphère orientale.
Il expliquera qu'il ne s'agit pas de représenter absolument quelque chose de concret. Si l'on a envie de dessiner ou de peindre un décor, des personnages ou de simples motifs comme ceux que l'on a observés, on est libre de le faire, mais il faudra alors tenir compte de la consigne principale, qui n'est pas de représenter mais bien de rendre une ambiance, principalement à l'aide des matériaux qui se trouvent regroupés sur la table. Peu importe si on ne reconnaît rien dans les compositions, si les oeuvres paraissent totalement abstraites. L'essentiel est qu'elles «dégagent» une atmosphère particulière, en rapport avec ce que l'on vient de découvrir. Ainsi, par exemple, les épices pourront jouer un rôle dans le contour de certains motifs, dans le choix des coloris, dans le rendu d'un relief ou encore dans le parfum qui se dégagera de l'ensemble. De même, on pourra parfumer sa feuille avec l'une ou l'autre essence, coller de petits morceaux de soie de différentes couleurs. On n'oubliera pas l'encre ou la poudre dorées, très utile pour caractériser une ambiance orientale. Nous donnerons ici un exemple tout simple: si, dans sa création orientaliste, un enfant a envie de représenter la mer (pour rester en rapport avec Sindbad), il peut utiliser un morceau de soie bleue, froissé horizontalement pour représenter les vagues. Le sable pourrait être rendu par du curcuma saupoudré sur le bas de la feuille préalablement enduit de colle, tandis qu'un ciel obscur, représenté par du poivre noir moulu, pourrait être illuminé d'une lune et d'étoiles obtenues avec de la poudre dorée. Quant aux reflets sur la mer, ils seraient simplement représentés par des traits dessinés sur la soie avec un stylo à encre dorée. Imaginons encore: un radeau? des bâtons de cannelle!, des poissons? des clous de girofle! etc.
Au terme de l'activité, toutes les productions pourront faire l'objet d'une exposition originale, par exemple dans le hall d'entrée de l'école (ou dans un couloir proche de la classe s'il s'agit d'un établissement important).
Les Mille et Une NuitsLes Mille et Une Nuits est certainement l'oeuvre littéraire arabe la mieux connue en Occident. La plupart des contes qui la composent seraient nés en Inde, puis auraient atteint la Perse par voie orale, pour se propager ensuite dans le monde arabe. Vers le VIIIème, des conteurs arabes auraient traduit et répandu ces histoires en les modifiant légèrement en fonction de leur culture propre, et en y ajoutant par ailleurs d'autres contes. Les Mille et Une Nuits se présente ainsi comme une collection d'histoires où l'on retrouve une image du monde arabo-musulman tel qu'il existait plus ou moins entre le VIIème et le XIème siècles (il y a plus de mille ans). C'est donc une fresque culturelle d'une autre époque. Ce recueil de contes orientaux très anciens est connu en France depuis trois cents ans, grâce à un premier traducteur. Des spécialistes pensent aujourd'hui que c'est ce traducteur (Galland) qui aurait ajouté à cette époque aux Mille et Une Nuits les trois contes les mieux connus des enfants: Sindbad le marin, Ali Baba et les quarante voleurs et Aladin et la lampe merveilleuse. (Ces trois contes arabes ne faisaient donc pas partie, à l'origine, du recueil des Mille et Une Nuits). Ces spécialistes considèrent aussi que l'arrivée des Mille et Une Nuits en France est à l'origine de l'intérêt pour l'Orient manifesté en Europe par les artistes. Des peintres célèbres comme Marc Chagall illustreront en effet certains contes, tandis que dans le domaine musical, le russe Nicolaï Rimski-Korsakov composera une suite symphonique Shéhérazade, Opus 35 où il mettra en harmonie le «Vaisseau de Sindbad», l'«Histoire du Prince Kalender», l'«Histoire du jeune prince et de la jeune princesse» et le «Festival de Bagdad». Ce qui relie tous ces contes, qui forment une grande mosaïque (appartenant à des cultures et à des époques différentes), c'est l'histoire de Shéhérazade. Voici cette histoire, qui joue le rôle à la fois de prologue et de «ciment» entre tous les contes: un souverain veut se venger de son épouse infidèle en faisant exécuter chaque matin la femme avec qui il vient de passer la nuit. Pour échapper à la mort, l'une d'entre elles Shéhérazade trouve une ruse qui lui vaudra d'avoir la vie sauve au bout de «mille et une nuits»: chaque nuit, elle invente une histoire pleine de suspense qui maintient le souverain en haleine. Celui-ci est à chaque fois obligé de garder la jeune femme en vie jusqu'au lendemain pour en connaître la suite. Dans les Mille et Une Nuits, Sindbad est donc présenté comme l'une des nombreuses histoires inventées par Shéhérazade. |