Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux
et consacré au film
Monsieur Batignole
de Gérard Jugnot
France, 2002, 1h40
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Monsieur Batignole avec leurs élèves (entre dix et quinze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en oeuvre en classe après la vision du film.
Monsieur Batignole, même s'il s'inspire de certains événements authentiques, est évidemment un film de fiction qui résulte d'un travail de mise en scène considérable. Il est sans doute important d'amener les jeunes spectateurs à prendre conscience de ce travail et à s'interroger, même de façon limitée, sur le sens et les effets possibles de cette mise en scène[1]. Parmi les nombreux aspects qui pourraient être envisagés, il nous semble que la manière dont le film de Gérard Jugnot joue sur une gamme limitée d'émotions mérite en particulier d'être relevée.
Nous proposons de lancer la discussion à partir d'une scène marquante du film, celle de l'assassinat de Pierre-Jean par monsieur Batignole et de demander aux jeunes spectateurs d'abord s'ils se souviennent de cette scène et ensuite quel effet elle a produit sur eux. En se basant sur ces souvenirs, l'on essaiera finalement de comprendre quel(s) procédé(s) concour(en)t particulièrement à l'impression ressentie. Le petit encadré qui suit essaie d'expliquer avec des mots simples le travail de mise en scène dans cette séquence. Si les réflexions des uns et des autres concordent avec cette analyse, l'encadré pourra être photocopié et remis aux participants pour qu'ils le collent dans leur cahier[2].
Une scène remarquableLe meurtre de Pierre-Jean dans Monsieur Batignole crée sans doute chez la plupart des spectateurs un effet de surprise. En effet, le montage de cette séquence, la manière dont c'est filmé et montré, surprend nos attentes. Rappelons le déroulement exact de cette séquence et de celle qui précède immédiatement. Pierre-Jean vient de descendre à la cave où il a découvert le jeune Simon et ses deux cousines. Monsieur Batignole essaie de s'interposer mais Pierre-Jean est armé de la hache avec laquelle il a défoncé la trappe de la cave et il menace à présent de dénoncer les clandestins à la police. Monsieur Batignole est alors obligé de céder et tout le monde s'apprête à remonter au rez-de-chaussée. La séquence immédiatement après nous montre la boutique de Monsieur Batignole de l'extérieur cernée de policiers et de soldats allemands. Nous pensons donc qu'ils sont venus arrêter les enfants comme Pierre-Jean l'avait annoncé. Mais la caméra qui pénètre dans la boutique nous montre au contraire le cadavre de Pierre-Jean, le crâne fracassé, avec madame Batignole en pleurs auprès du colonel Spreich Comme spectateurs, nous sommes sans doute surpris de ce retournement de situation: rien ne nous a été montré de la façon dont monsieur Batignole a réussi à prendre la hache de Pierre-Jean et à lui fracasser le crâne! Nous sommes au contraire obligés de comprendre par nous-mêmes comment il a agi. Entre ces deux séquences, il y a donc un saut, un événement qui manque et qui ne nous est pas montré (le meurtre de Pierre-Jean). C'est ce qu'on appelle une ellipse qui produit ici un effet de surprise mais aussi notre soulagement puisqu'on comprend que monsieur Batignole a pu s'échapper avec les enfants malgré les graves menaces de Pierre-Jean. |
On pourra dans une seconde étape demander aux participants s'il y a d'autres scènes qui les ont particulièrement marqués. Pour chacune de ces scènes, on précisera quelle a été l'impression ressentie, puis les éléments de la mise en scène qui ont favorisé éventuellement cette impression. Une telle réflexion, si elle survient suffisamment rapidement après la vision du film, devrait être possible en se basant sur les souvenirs des jeunes spectateurs: si certains ne gardent en mémoire qu'une impression très sommaire ou synthétique, d'autres en revanche conservent des souvenirs très précis.
Pour faciliter ce travail de remémoration, l'on peut utiliser le questionnaire qui suit et qui reprend les principales séquences du film. Les participants préciseront si la séquence les a marqués ou non et quelle a été l'impression ressentie. À partir des réponses obtenues, l'on essaiera de repérer les séquences les plus «fortes» puis d'expliquer, si c'est possible, en quoi la mise en scène cinématographique concourt à l'impression ressentie.
Si cette analyse paraît trop difficile à réaliser avec les jeunes spectateurs, l'on pourra leur soumettre le deuxième encadré [ce texte se trouve dans le dossier imprimé mais n'est pas reproduit sur cette page WEB] qui propose quelques réflexions à propos de Monsieur Batignole : ce texte ne doit pas leur être donné comme étant la «vérité» du film, et on leur demandera plutôt de donner leur avis à son sujet et d'en débattre entre eux.
[1] «Mise en scène» est entendu ici au sens cinématographique, à savoir le travail du réalisateur, sans aucune nuance péjorative (comme quand on sous-entend un travestissement mensonger).
[2] Il nous paraît important de laisser des traces écrites des discussions qui peuvent être menées en classe afin notamment que les élèves n'aient pas l'impression qu'on se contente de parler à bâtons rompus: de la confrontation des souvenirs et des opinions, l'on peut dégager des réflexions importantes et cohérentes.
Les principales séquences de Monsieur Batignole |
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Séquences | Séquence marquante?
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Émotion, impression ressenties? |
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Dans la cave, monsieur Batignole découvre qu'on a volé ses lapins. |
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La famille Bernstein, retardée par monsieur Batignole et surtout dénoncée par Pierre-Jean, est arrêtée par la police. |
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Pierre-Jean propose aux Batignole l'appartement des Bernstein qui est vidé par les Allemands. |
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Dans un café, Pierre-Jean se fait ridiculiser par Sacha Guitry. |
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Les Batignole visitent l'appartement des Bernstein. |
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Le colonel Spreich assiste à un spectacle «léger»: Pierre-Jean en profite pour quémander ses faveurs. |
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Dans son bureau, Spreich commande un buffet à Batignole. |
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Le gendre de monsieur Batignole lui remet une camionnette volée à des Juifs et repeinte. |
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Lors du buffet de Spreich, Simon réapparaît: Batignole s'empresse de le cacher. |
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Batignole s'occupe de Simon (qui a des poux) et lui apporte à manger. Mais l'enfant ne mange pas de porc. |
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Batignole s'en va à Montmartre chercher d'autres membres de la famille de Simon. Mais eux aussi ont été victimes de rafles sauf leurs deux filles désormais cachées. |
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Chez le «passeur», Batignole comprend la valeur du Renoir caché. |
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Dans la chambre à côté de celle de Simon, Spreich fait l'amour avec Edwige. Dérangé, il s'en va furieux. Batignole décide de cacher l'enfant dans la cave. |
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La nuit, Batignole rêve qu'il est un porc qu'on égorge. |
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Dans un entrepôt, Batignole part à la recherche de la commode Louis XV des Bernstein: c'est Spreich qui la détient. |
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Batignole profite d'une livraison chez Spreich pour subtiliser le Renoir. |
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Après une dispute avec sa femme, Batignole descend à la cave où il découvre Simon et ses deux cousines. Mais Pierre-Jean les découvre à son tour. |
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Après le meurtre de Pierre-Jean, Batignole cache les enfants chez la concierge à Montmartre puis vend le Renoir à bas prix. Enfin, il dit adieu à sa fille dans un jardin public. |
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À la gare, Batignole soudoie un policier pour qu'il laisse passer les enfants. |
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Dans le train, Batignole fait connaissance des autres passagers du compartiment auxquels il achète du pain pour les enfants (mais pas de saucisson). |
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À la gare, on interpelle monsieur Batignole pour qu'il soigne un soldat allemand qui s'est tordu le pied: Simon a prétendu en effet que son papa était chirurgien. |
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Batignole et les enfants partent à pied vers la frontière suisse. En chemin, ils s'arrêtent à la ferme d'Irène. |
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Batignole dépiaute un lapin, ce qui dégoûte Simon qui refusera d'en manger le soir. Entre-temps, Martin parle à Simon de la résistance. La nuit tombée, Martin verra Batignole en train de faire la cour à sa mère. |
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Le matin, Simon a disparu avec Martin. Il est au village pour entrer en contact avec la résistance, mais il est arrêté par la police. |
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Au commissariat, monsieur Batignole essaie d'amadouer l'officier. Finalement, il le frappe dans l'entrejambes et s'enfuit avec Simon. Ils se réfugient chez le curé. |
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Ils sont recherchés toute la nuit par les Allemands et la police, puis au matin partent avec l'abbé dans la montagne. |
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Arrivé à la frontière suisse, Batignole change d'avis et décide de suivre les enfants. |
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