Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film :
Billy Elliot
de Stephen Daldry
Grande-Bretagne, 2000, 1h50
Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Billy Elliot avec leurs élèves (entre onze et quinze ans environ). Il propose plusieurs animations à réaliser en classe pour aborder les principaux thèmes du film.
Quelques définitions
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Quelques scènes ou plans remarquables sur le plan esthétique1. Le jeu des couleursOn aura peut-être remarqué dans Billy Elliot que l'emploi de la couleur n'est pas tout à fait neutre. Certaines couleurs reviennent ainsi régulièrement. Une dominance de bleu et de jaune vif semblent «tonifier» l'environnement terne des corons: portes, châssis de fenêtres, objets d'intérieur, papier peint Au début du film, Billy porte un tee-shirt jaune. Lorsqu'il imagine sa mère dans la cuisine, celle-ci apparaît vêtue d'une robe bleu vif. On retrouve également ces tons contrastés, et finalement assez agressifs, à d'autres endroits du film en rapport avec ce «côté-là de la barrière»: l'alouette privée qui transporte les jaunes est d'un bleu vif qui tranche avec le jaune des ufs jetés par les grévistes sur le véhicule. Le pont roulant, structure industrielle imposante qui surplombe le bras d'eau traversé par Billy et madame Wilkinson est lui aussi recouvert d'une peinture vive bleue et jaune. Quant au monde de la danse, il est marqué par un autre jeu de couleurs qui revient périodiquement dans le film: le bleu (qui joue donc un peu le rôle de lien dans le film) et le blanc. C'est le blanc des tutus et chaussons qui contraste avec le bleu des bottines de Billy, par exemple. Lorsque Billy commence à suivre des cours clandestins de danse, l'accent est mis sur les effets esthétiques produits par l'utilisation de ces tons: les murs de la salle sont blancs, le sol est bleu vif. Les costumes portés par l'enfant et son professeur rappellent cette opposition: short et singlet blancs pour Billy, tunique et pantalon bleu vif pour madame Wilkinson. De cette scène se dégage par la couleur une sorte d'harmonie contrastée, qui semble faire écho à la tonalité de la séquence, marquée par un début de complicité mais aussi par le conflit (Billy fait un certain nombre de reproches à madame Wilkinson, celle-ci le gifle). Une autre scène remarquable quant à l'emploi de la couleur est celle de la course-poursuite entre Tony et les policiers, présentée comme une sorte de ballet moderne qui s'orchestre sur une musique de Clash. Les nombreux agents rassemblés pour la circonstance forment une masse compacte noire. On y décèle un mouvement saccadé, désorganisé et brutal, qui tranche avec le mouvement aérien et fluide des rangées de linge immaculé qui flotte suspendu entre les maisons. Une certaine beauté plastique se dégage ainsi d'une scène qui n'a rien de beau en elle-même. 2. Des plans inhabituelsLes élèves se seront sans doute souvenus de plans remarquables (dans le sens où ils résultent d'une de manière inhabituelle de filmer) comme l'une ou l'autre plongée ou contre-plongée, par exemple. Rappelons ici quelques moments du film où ce procédé intervient, jetant sur la scène un éclairage particulier:
Les effets produits par l'utilisation des procédés qui auront été remarqués pourront donner lieu à différents types d'interprétations, en fonction des impressions ressenties. (effet d'écrasement, d'effondrement, d'enfermement, de suspense, d'angoisse, de magnificence) Mis à part les effets dus à une position particulière de la caméra (en haut, en bas), on aura peut-être remarqué que certaines scènes ont été tournées au ralenti (au début du film, lorsque Billy saute sur son lit par exemple, lorsqu'il saute du toit après la visite de madame Wilkinson, ou encore à la fin du film, quand il entre en scène). L'emploi de ce procédé donne au mouvement de Billy une ampleur supplémentaire. 3. Un montage originalLe montage de Billy Elliot présente au moins trois grandes particularités: deux séquences parallèles, une séquence alternée, et deux raccords spéciaux. Dans la première séquence parallèle du film, on voit Billy en train d'effectuer des exercices de danse. Les images le montrent alternativement dans la salle de boxe, où il suit le cours avec les fillettes, dans l'espace exigu de la salle de bains, où il s'aide du livre dérobé au bibliobus, ou encore dans sa chambre. Cette séquence a pour effet de montrer à quel point l'enfant s'efforce de parvenir à la réussite d'une figure difficile. Sa motivation transparaît évidemment de manière beaucoup plus forte par cette juxtaposition de plans, qui donne l'impression d'un travail incessant, sans répit. Dans la seconde séquence, qui arrive dans le film très rapidement après la première, les plans montés en parallèle montrent Billy tantôt en train de courir dans la rue en dansant, tantôt en train de jouer du piano à la maison. L'impression générale qui se dégage de cette séquence est une impression de libération de soi. Le mouvement est le même dans les deux séries d'images: envolé, lyrique. La séquence alternée est elle aussi remarquable. Cette séquence se situe dans le prolongement d'une scène fort émouvante: celle où Billy confie des choses intimes à madame Wilkinson, notamment la lettre que sa mère lui a adressée avant son décès. Juste après cette scène, tous deux se mettent à danser le boogie dans la salle de boxe. Viennent alors s'intercaler des plans montrant isolément Jackie, Tony et la grand-mère, chacun en train de «danser» à sa manière. Cette séquence alternée a pour effet de construire entre des situations qui n'ont rien à voir les unes avec les autres, une certaine unité qui sera d'ailleurs consolidée par l'emploi de la musique, musique qui joue donc un peu le rôle de ciment entre ces quatre situations rapprochées par le montage. Quant aux raccords originaux que l'on peut observer dans le film, ils ont pour fonction de mettre en évidence deux ellipses de temps remarquables. Il faut dire qu'à de très rares exceptions près, les films de fiction contiennent de nombreuses ellipses temporelles, portant sur des périodes plus ou moins longues. Mais le spectateur de cinéma est à ce point habitué à ces «coupures» dans le temps qu'il ne les remarque plus, rétablissant au fur et à mesure des images la continuité du récit. Néanmoins dans le cas de Billy Elliot, Stephen Daldry a tenu manifestement à montrer avec insistance (et à deux reprises) que du temps avait passé. Il lui fallait, pour cela, trouver des moyens originaux. Ainsi pour passer de la course désespérée de Billy, qui vient buter contre un rempart de tôle, à la fête de Noël, le réalisateur n'a pas simplement juxtaposé deux plans différents, comme cela se fait d'habitude. Il a choisi de «raccorder» ces séquences d'une manière tout à fait particulière. Au terme de sa course, Billy s'effondre, assis dos contre la palissade. On voit alors son visage en gros-plan. Michaël l'appelle et Billy réajuste son parka, la caméra toujours fixée sur son visage. Un contre-champ montre alors l'allée qu'il vient de parcourir. Celle-ci est couverte de neige; il fait sombre et des garnitures lumineuses ornent quelques toitures. En quelques secondes, on comprend que du temps a passé depuis la visite de madame Wilkinson au domicile de la famille Elliot. Or, à cause de ce gros-plan sur le visage de l'enfant, qui semble ne pas avoir bougé, le spectateur est tout à fait surpris. Ce raccord inhabituel met donc quelque part en évidence la période qui s'inscrit entre les deux événements. Un peu comme si Stephen Daldry voulait décrire celle-ci comme une période vide, durant laquelle rien ne se serait passé. Comme si le temps s'était arrêté pour Billy, dont le rêve avait pris fin avec l'audition manquée et la dispute entre son frère Tony et madame Wilkinson. La seconde ellipse temporelle remarquable se situe à la fin du film. Elle sépare le départ de Billy pour Londres et le spectacle dont il est la vedette, dans une salle prestigieuse de la capitale. On comprend d'emblée que plusieurs années ont passé, mais dans ce cas encore, le raccord entre les deux séquences est inhabituel: on voit d'abord le visage de Billy à travers la vitre du bus qui prend de la vitesse. Dans un même mouvement, rendu flou par un défilé très rapide des images, on voit ensuite les visages de Jackie et de Tony. Ils sont dans le métro londonien. Mais ici, on peut imaginer que l'ellipse temporelle n'a pas pour fonction de désigner une période creuse ou vide; bien au contraire: elle sert à introduire l'épilogue du film, autrement dit la séquence qui va exposer des faits largement postérieurs à l'action, et dont on peut imaginer qu'elle va en compléter le sens ou la portée. On peut penser que ces années ont été des années d'apprentissage et de travail pour Billy, et des années plutôt monotones pour Tony et son père. On sait, par des informations extérieures au film, qu'entre-temps les puits de charbon ont été fermés pour la plupart. Jackie semble toujours aussi perdu qu'il l'était lorsqu'il avait accompagné son fils à l'audition. Manifestement, il n'a guère eu l'occasion de quitter Everington: il n'arrive pas à presser le pas, traîne en arrière; on le voit dans l'escalier du métro à contresens de la foule. Ainsi, si le cours du destin s'est transformé pour l'enfant passionné de danse, on peut deviner que les choses n'ont guère évolué pour le reste de la famille. |