Révélation du Festival de Cannes où son premier film était présenté à la Semaine de la critique, Leonardo Van Dijl, jeune réalisateur belge, partage quelques similarités avec son compatriote et ami Lukas Dhont, dont une grande sensibilité qui l’autorise à avancer à pas feutrés dans un récit intime et complexe. Vous n’êtes pas près d’oublier cette Julie et son silence qui résonnera au plus profond de vous…
Révélation du Festival de Cannes où son premier film était présenté à la Semaine de la critique, Leonardo Van Dijl, jeune réalisateur belge, partage quelques similarités avec son compatriote et ami Lukas Dhont, dont une grande sensibilité qui l’autorise à avancer à pas feutrés dans un récit intime et complexe. Vous n’êtes pas près d’oublier cette Julie et son silence qui résonnera au plus profond de vous…
Julie, une star montante du tennis évoluant dans un club prestigieux, consacre toute sa vie à son sport. Lorsque l’entraîneur qui pourrait la propulser vers les sommets est suspendu soudainement et qu’une enquête est ouverte, tous les joueurs du club sont encouragés à partager leur histoire. Mais Julie décide de garder le silence…
Dans une époque marquée positivement par les mouvements féministes qui encouragent les prises de parole des victimes et où celles-ci semblent enfin — dans une certaine mesure, en tout cas — être entendues, Julie apparaît comme une héroïne marchant à contre-courant de l’histoire, persévérant dans son mutisme inquiet alors que tout autour d’elle la pousse à parler. C’est que parler — de ce qu’on tait généralement — n’est jamais simple, qu’il faut du temps pour équilibrer le courage à la vulnérabilité et se lancer dans une démarche qui risque de nous mettre en danger.
Julie (magnifique Tessa Van den Broeck, tout en retenue) est une jeune sportive professionnelle dont le mental a jusqu’ici été drillé à parfaire son jeu, sa concentration, la maîtrise toute entière de son corps. Le tumulte qui l’entoure, qu’elle regarde avec distance, les rumeurs qui circulent, tout semble la laisser non pas indifférente mais à l’affut, laissant le spectateur dans une tension sensible, se demandant sans cesse quand l’élément déclencheur arrivera. La mise en scène du jeune cinéaste déploie cette mise sous tension, travaillant sur des cadres fixes, et observant ce qui s’y joue sur une durée relativement longue. Un dispositif superbement adapté à la captation du tennis, sport hautement cinégénique (sublimé par la caméra du chef-opérateur Nicolas Karakatsanis ayant notamment travaillé sur Moi, Tonya), où le mouvement de la balle se répète et se répond jusqu’à l’épuisement des joueurs. Cette mise en scène a priori calme mais agitée de l’intérieur donne de l’ampleur et de l’épaisseur au silence de Julie. Et celui-ci, à mesure qu’il accapare l’espace, se fait de plus en plus saisissant, palpable et, presque même sans qu’on s’en rende compte, extrêmement émouvant.
De la même manière que nous prêtons aujourd’hui l’attention nécessaire au récit des victimes, il nous faut aussi savoir écouter leur silence, et ce que celui-ci raconte de l’emprise, la peur et la domination qui l'accompagnent. Julie, dans toute sa pudeur adolescente, sa fureur sportive, et sa vulnérabilité de jeune femme, nous apprend un peu mieux à le considérer. Et ça nous ébranle durablement.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux
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