En compétition à Berlin, le nouveau film des réalisateurs de Laissez bronzer les cadavres est un pur joyau esthétique qui déconstruit les codes des polars vintage et baroques à l’ancienne pour nous emmener bien ailleurs. Ici, le cinéma est une expérience physique absolue. On applaudit le geste !
John D, un septuagénaire vivant dans un hôtel de luxe sur la Côte d’Azur, est intrigué par sa voisine de chambre qui lui rappelle les heures les plus folles de la Riviera durant les années 1960. À cette époque, il était espion dans un monde en pleine expansion et plein de promesses. Un jour, cette voisine disparaît mystérieusement et replonge John face à ses démons : ses adversaires d’antan sont-ils de retour pour semer le chaos dans son monde idyllique ?
Depuis plus de vingt ans, Hélène Cattet et Bruno Forzani construisent une œuvre très singulière et radicale dans la production belge et internationale. Elle est portée par leur amour du cinéma de genre, dont ils produisent à chaque fois de passionnantes relectures post-modernes. Elle est clairement le fruit d’une abnégation et d’une persévérance que l’on se doit de féliciter et d’encourager. Une poche de résistance qui démontre à quel point le cinéma ne peut se passer de la vivacité et de la richesse de la série B pour innover esthétiquement. Aucune posture snob chez ces cinéastes qui prouvent que la recherche expérimentale n’est pas incompatible avec la capacité d’émouvoir et de surprendre le public auquel ils pensent sans cesse, en veillant notamment à mettre de la limpidité dans le (prétendu) désordre narratif.
La particularité de Reflet dans un diamant mort provient de ces atmosphères visuelles et sonores si soignées qui, agencées comme une mélodie psychédélique et lancinante, produisent un plaisir esthétique total.
Toute image dégage une beauté sidérante inspirée par les années 1960-70, aussi bien par l’aspect vintage (la référence à James Bond est flagrante) que par l’inspiration du baroque décadent et violent des polars italiens (style giallo). À cela, on ajoutera le fantastique du cinéma muet, le recours à une bande originale électrisante et l’incrustation de cases de B.D. qui confirment l’aspect terriblement ludique (mais qui ne tombe pas dans le second degré) et inventif d'un film à part.
Reflet dans un diamant mort fait l’éloge, à chaque seconde qui passe, des pouvoirs de cette machine à rêver inépuisable qu’est le cinéma au sens artisanal du terme, un cinéma de genre qui croit en l’intelligence du spectateur, en sa capacité à lâcher prise pour rechercher d’autres types de sensation fortes.
Un rêve filmé, d’une cohérence absolue, qui nous tend les bras grands ouverts. Le voyage en vaut clairement la peine !
Nicolas Bruyelle, les Grignoux