Cinq sœurs, une mère. Deux générations marquées par l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique. Leurs liens sont denses, et pourtant quelque chose semble être brisé. En filmant sa famille, Samira El Mouzghibati tente de renouer un dialogue nécessaire. Son outil est la caméra, son grenier des souvenirs les innombrables vidéos de famille qui ont précédé le film
Les Miennes est un film sur la parole et sur ce que peut la caméra documentaire : faire advenir les mots qui diront enfin les événements du passé, les sentiments du présent et les possibles du futur. Tantôt bégayés ou chuchotés, tantôt expulsés dans un fou rire tonitruant, prononcés en français, relayés parfois par le rifain et l’arabe quand le lexique se tarit, ces mots, la réalisatrice prend le temps de les filmer littéralement à même les voix avec une extrême pudeur. Il en résulte un tissu de portraits croisés qu’il faut voir autant qu’entendre. On en ressort enrichi et ébranlé dans ses préconceptions culturelles. Mais on en garde surtout ce sentiment diffus de joie qui murmure : tant que la parole est possible, aucune fatalité ne peut condamner une famille au malheur.
JEREMY HAMERS, ULiège